Rire sur France Inter - 7
À la rentrée de septembre 1982, France Inter avait mis les pouces : impossible de se passer de Claude Villers, le meilleur et le plus imaginatif créateur de la radio ! Il revint, et on lui avait accordé ce qu’il demandait, une demi-heure supplémentaire, ainsi que des crédits pour engager une personne de plus. Désormais, le Tribunal des Flagrants Délires serait partagé en deux sessions, de onze heures cinq à midi, et de midi cinq à midi et demi, soit quatre-vingts minutes au lieu de cinquante-cinq. L’interrogatoire des accusés et l’audition des deux témoins se passeraient avant midi, le réquisitoire, la plaidoirie et le verdict, juste après, à l’heure de plus grande écoute. C’était le but recherché, et tout le monde y gagnait.
Entre-temps, l’huissier avait changé, comme dit dans un épisode précédent, et on avait engagé une journaliste de « Libération », Jeanne Folly, pour jouer les experts psychiatriques de fantaisie. La dame portait une voilette et des gants, mais disait des horreurs, que Villers feignait de vouloir couper – tout comme, agitant vigousement sa sonnette, il interrompait le procureur lorsque celui-ci se lançait dans une digression scabreuse à propos de « la robe austère du magistrat, sous laquelle... ». Et puis, l’excellent pianiste Georges Rabol avait été promu brigadier-chef, mais ça ne coûtait rien.
Il faut dire que, quasiment depuis le début, le Tribunal avait cessé d’être en direct. Villers avait décidé qu’on enregistrerait, ce qui avait au moins trois avantages. D’une part, on économisait du temps et de la main-d’œuvre, car on mettait en boîte deux émissions à la suite, soit six émissions par semaine pour cinq jours ouvrables : avec un jour d’avance en réserve, on pensait aux vacances, et toutes les radios font cela aujourd’hui. Ensuite, cela permettait de gommer les éventuels incidents techniques. Enfin, avoir du temps devant soi mettait l’équipe de rigolos plus à l’aise en ne gardant plus l’œil sur la pendule : on pouvait donner libre cours à sa fantaisie, au grand plaisir du public présent sur les gradins, quitte, ensuite, à « resserrer » l’émission pour la faire tenir dans les quatre-vingts minutes prévues. C’est ainsi que le « procès » de Jean-Marie Le Pen dura en réalité deux heures et demie, mais on en coupa plus d’une heure. Il eut lieu l’après-midi du mercredi 22 septembre 1982, avec celui de Patrick Poivre d’Arvor, pour diffusion ultérieure, et les deux furent filmés pour la télévision, Antenne 2, qui... ne les diffusa jamais ! On peut les voir en DVD, avec un troisième procès, celui de Jean Carmet, qui ne fut pas enregistré au même endroit ni à la même époque et se trouve aussi sur le DVD. On coupa également, dans le procès d’Henri Verneuil, l’une des trois chansons interprétées par Patrick Font et Philippe Val, et c’est vraiment un hasard si elle s’intitulait Soyez pédés. Non, ce n’était pas de la censure, l’émission était trop longue, voilà tout !