Rue Dussoubs

Publié le par Yves-André Samère

Si je parlais comme un crétin des médias (et il faudra qu’un jour je précise un détail sur ce mot, media), je dirais volontiers que je suis addict aux livres. Autrement dit, que j’y suis drogué. Il est rare que j’entre dans un lieu de vente, quel qu’il soit, sans en ressortir avec un livre – ou deux, ou trois. Et j’imagine que, le jour où je mourrai (quoique j’aie renoncé à ce projet funeste), on trouvera mon corps desséché au milieu d’un monceau de bouquins pas encore lus. Ce qui sera mon plus grand regret, pas d’être mort, mais de ne pas les avoir lus.

Ainsi, aujourd’hui, j’ai eu l’imprudence d’entrer dans l’une des librairies Mona lisait, une chaîne de soldeurs qui a des boutiques un peu partout (neuf à Paris, une à Toulouse, une à Toulon et une à Villacoublay). On vous y fiche une paix royale, les clients sont peu nombreux, les ouvrages sont introuvables ailleurs, et les prix, très bas. Bien plus bas que chez les bouquinistes des quais de Seine, qui plument indécemment les touristes.

J’y ai donc acquis deux livres et une revue ancienne, le n° 57 du « Crapouillot », datant de juillet 1962. Le « Crapouillot » a été une publication très libertaire – un peu comme « Le Canard enchaîné » avant qu’il tombe dans la bourgeoisie de centre-gauche –, puis il a été racheté par un éditeur d’extrême droite, ce qui constitue une déchéance certaine. Ce numéro est donc consacré au Paris pittoresque, puisque c’est son titre, et plus particulièrement à la rive droite – un autre numéro s’occupait de la rive gauche. Et, en le feuilletant je suis tombé sur un articulet consacré à la rue Dussoubs.

Cette rue, qui s’est auparavant appelée « rue des Deux-Portes » ou « rue Gratte-Cul », je l’emprunte souvent, et elle relie la rue Réaumur à la rue Tiquetonne, parallèle à la rue Saint-Denis et à la rue Montorgueil. Y débouche le passage du Grand-Cerf, qui est mon itinéraire naturel. Or, d’un point de vue littéraire, elle a une double caractéristique : d’abord, Carlo Goldoni y est mort en 1793, dans la misère, au numéro 21. Une plaque apposée sur la maison rappelle sa présence. Ensuite, quoique bien avant, en 1619, Cyrano y est né, au numéro 2, où... aucune plaque ne célèbre l’évènement. J’ai souvent arpenté la rue dans l’espoir de trouver ce détail, mais les gougnafiers de la mairie de Paris l’ignorent probablement !

Hé, les gars, faut me demander, quand vous ne savez pas ! Ou alors, lisez « Le Crapouillot ». On doit pouvoir en trouver de vieux exemplaires à la librairie Maisonneuve, place de la Sorbonne, à Paris...

Écrire ci-dessous une ânerie quelconque :