Sachez injurier à bon escient !
Lorsqu’on tient presque quotidiennement un bloc-notes comme celui-ci, on doit s’attendre à être insulté par des individus bas de plafond qui ne connaissent pas d’autres moyens de débattre. Il en existe de toute sorte, et cela tombe bien, puisque je parle de tout.
Ainsi, en novembre 2009 (cela remonte loin), j’avais écrit un petit billet qui mettait en boîte Thomas Legrand, chroniqueur matutinal sur France Inter, lequel avait commis à l’antenne une énorme faute. Parlant d’un match de football, il avait mentionné « une soi-disante politique ». Je faisais remarquer que cette expression étant composée de deux mots invariables, un pronom personnel et un participe présent, elle était aussi invariable. Et qu’il était par conséquent absurde de la mettre au féminin. Dans les commentaires d’une de ses célèbres dictées, Bernard Pivot, bien avant moi, avait fait la même remarque.
Il se trouve qu’un hurluberlu parisien – dont je connais aussi bien le nom que l’adresse et le numéro de téléphone, mais n’en profiterai nullement – a ainsi commenté ma remarque :
Quelle idiotie ! C’est vous qui n’avez rien compris à la langue. Une langue n’est pas figée. Les règles de la langue n’ont rien de fixe. Vouloir les faire respecter à tout prix et s’en gargariser sans en expliquer les raisons passe pour du dogmatisme sévère. Qu’y a-t-il de si ridicule à employer l’expression soi-disante ? Si ce n’est qu’elle ne respecte pas votre bible minable : le Bescherelle. Se sentir supérieur et se placer dans cette position méprisante est bas autant qu’idiot. L’expression soit-disante est extrêmement parlante, elle a plus d’avenir que vous. Il faut se sentir libre dans sa langue, libre de la faire sonner comme on veut : le langage est d’abord parlé avant d’être écrit d’ailleurs. A vos soi-disantes leçons, je dis "merde".
On voit comme tout cela est argumenté, et avec quelle exquise politesse. Et combien je regrette, d’une part, de n’avoir aucun avenir, et d’autre part, que mon distingué interpellateur, après m’avoir parcouru en diagonale (mes raisons, je les avais données, mais il ne les avait visiblement pas lues) se soit aussi profondément planté le doigt dans l’œil : le Bescherelle n’est pas ma bible, je ne possède pas ce livre, parce que je n’en ai pas besoin. Comme répondait le grand chef d’orchestre Arturo Toscanini à un musicien qui s’étonnait de le voir connaître par cœur la partition du morceau qu’ils répétaient : « Les bons chefs d’orchestre ont la partition dans la tête ; les mauvais ont la tête dans la partition ! ».
Mais pourquoi ce commentaire injurieux ? Il se trouve que le même visiteur, dix minutes plus tard, a déposé un autre jugement beaucoup plus lapidaire : « Votre blog est un ramassis de conneries pédantes ». Or, cette fois, il venait de lire un autre billet que j’avais écrit plus récemment, où je rappelais qu’il existait, près du boulevard Saint-Germain à Paris, une église fréquentée (et occupée illégalement) par la clique d’extrême droite qui fait tout le charme de notre cher et vieux pays. Bon sang, mais c’est bien sûr ! J’avais vexé une groupie de la famille Le Pen.
Un de ces jours, ils vont m’envoyer quelques skinheads, je le pressens.