Sachez vous faire rembourser
J’admire fort les arnaqueurs, qui nous sont un exemple permanent, à nous qui désirons tant nous tirer d’affaire en cette époque de crise (j’ai failli écrire cerise, qui, en argot, désigne la déveine persistante). Par chance, l’espèce est loin d’être éteinte ! Entre Obama, qui réussit à se faire élire (et deux fois de suite) en laissant dire qu’il est noir alors qu’il est métis, et Cahuzac, qui parvient à devenir ministre du budget tout en fraudant le fisc comme cela ne s’est jamais fait avec un art aussi consommé, avouez que nous sommes gâtés – et rassurés quant à l’ingéniosité de nos dirigeants.
Il y a quelque temps, je vous ai entretenu(s) d’une arnaque très répandue, celle consistant, dans les grands magasins, à vous proposer une assurance chaque fois que achetez un appareil susceptible de tomber en panne. La semaine dernière, j’ai eu le coup de foudre pour une calculatrice, et l’ai achetée. Or son prix était d’une modicité qui aurait fait s’esclaffer ma tante Liliane : 16,90 euros, c’en était presque indécent pour un appareil qui possède tant de fonctions que je n’ai pas encore compris comment il marche.
Eh bien, à la caisse de la FNAC-Forum, la caissière m’a proposé une assurance : si ma calculatrice tombait en panne dans les deux ans, on me la réparerait gratuitement (tu parles, on ne répare pas les calculatrices, rien que le coût de la main d’œuvre pour l’ouvrir, puisqu’elle comporte... SIX vis sous un dos amovible qu’il faut d’abord retirer, dépasse son prix d’achat). En outre, je n’ai jamais vu une calculatrice tomber en panne. Mon premier réflexe a été d’engueuler la caissière, mais comme elle était noire, j’ai craint de me faire lyncher en plein magasin par une foule d’humanistes indignés, et j’ai préféré lui demander avec le maximum de gentillesse si vraiment j’avais l’apparence d’un pigeon.
Or il existe d’autres méthodes pour appâter le client, et voici ce qui accompagnait ma calculatrice : une offre de me rembourser trois euros. Ciel, c’était donc mon jour de chance ! Je n’allais pas laisser passer une telle aubaine, et me suis mis en devoir de lire les conditions, car il y avait des conditions (oui, dix fois par jour, à la radio, vous entendez le slogan « Offre soumise à conditions », à se demander si des offres NON soumises à conditions existent encore). Voici donc le processus pour bénéficier de ce remboursement fabuleux :
- avoir acheté la calculatrice sans dépasser la date limite du 30 septembre de cette année ;
- lancer Internet, et aller sur le site du fabricant (donc les gens n’ayant pas Internet peuvent se brosser) ;
- cliquer sur la bannière de participation à l’offre de remboursement ;
- remplir intégralement le formulaire qui apparaît alors ;
- y taper ses coordonnées (pas du tout pour recevoir ensuite de la publicité) ;
- imprimer le formulaire une fois rempli (donc les gens n’ayant pas d’imprimante peuvent se brosser) ;
- coller, sur le document imprimé, aux endroits indiqués, les justificatifs suivants : la photocopie ou l’original du ticket de caisse ou de la facture ENTIÈRE, en entourant la date, le prix et le libellé de l’achat (sans doute parce que, chez le fabricant, ils sont trop nuls pour le repérer sans ça) ;
- découper, sur l’emballage (en carton fort, donc les gens n’ayant pas de sécateur peuvent se brosser), la preuve de l’achat, c’est-à-dire le code-barres, avec la mention « Preuve d’achat » imprimée au-dessus ;
- envoyer le tout « sous enveloppe suffisamment affranchie » au plus tard le 15 octobre.
Et, sous vos yeux éblouis, vous recevrez votre remboursement, sous forme de virement, « sous six à huit semaines », juste le temps de traiter, sans doute, les millions de demandes de remboursement qui vont affluer chez le fabricant.
Ah, j’oubliais : offre valable seulement en France métropolitaine (donc les gens habitant les DOM-TOM peuvent se brosser), et pour un seul foyer. Sans ça, le pauvre fabricant en serait de sa poche, c’est certain.