Sade a raté le 14 juillet !
On n’a retenu la date de la prise de la Bastille qu’en raison du symbole, celui de la révolte contre l’autorité royale. Mais, en pratique, ce mini-évènement n’a concerné directement que très peu de personnes, pour l’excellente raison que cette prison d’État était quasiment vide !
Elle ne recelait en effet que SEPT prisonniers, pas un de plus, et sûrement pas de quoi entretenir à grands frais une énorme prison. Mais ces prisonniers, des gens importants, au moins ? Pas du tout !
Il y avait là deux fous, nommés Tavernier et De Whyte. Un seul aristocrate, incarcéré pour débauche, le comte Hubert de Solages. Et quatre condamnés de droit commun, des faussaires, Béchade, Laroche, La Corrège et Pujade. Si les révolutionnaires étaient passés plus tôt, par exemple le 2 juillet, ils auraient pu délivrer une célébrité, le fameux marquis de Sade, qui y fut détenu, au deuxième, puis au sixième étage de la tour Liberté. Mais, ce jour-là, il avait fait du scandale « à midi à sa fenêtre, [...] crié de toutes ses forces, [...] été entendu de tout le voisinage et des passants, qu’on égorgeait, qu’on assassinait les prisonniers de la Bastille, et qu’il fallait venir à leur secours », comme l’a rapporté le marquis de Launay, gouverneur de la Bastille (lequel fut tué le jour où sa prison fut attaquée, et sa tête mise au bout d’une pique). Launay demanda et obtint le transfert du « divin marquis » à Charenton, chez les fous dont s’occupaient les frères de la Charité.
À douze jours près, Sade devenait un héros national !