Saint-Laurent, bénissez-les !

Publié le par Yves-André Samère

Lorsque, le 8 janvier dernier, Jalil Lespert a sorti son film Yves Saint-Laurent, les critiques français, avec un assez bel ensemble d’une touchante spontanéité, se sont extasiés : c’était quasiment le plus beau film jamais tourné depuis que l’Homme a cessé de marcher sur la Lune. Moi, dans mon coin, je rigolais sous cape, car je savais que Jalil Lespert, très bon acteur mais plutôt médiocre metteur en scène, avait bénéficié du soutien moral et financier de Pierre Bergé, qui fut autrefois le protecteur officiel du couturier (un peu de litote ne fait pas de mal). Et comme je me soucie de la haute couture à peu près autant que de la carrière musicale de Madame Valls et de son avenir en tant que future « première dame », je me suis abstenu d’aller voir le film. D’autant moins que je connaissais déjà la suite : Bertrand Bonello était en train de terminer sa propre version de la biographie de Saint-Laurent, et on devait la sortir au festival de Cannes, en mai.

Bonello, je connais, il est assez porté sur les nudités et les scènes pornographiques. En 2001, il avait réalisé un film intitulé Le pornographe, truffé de séquences de porno non simulé (il avait engagé des professionnels pour copuler devant la caméra), et il a sorti en 2011 L’Apollonide (Souvenirs de la maison close), dont le titre dit tout ce qu’il faut savoir sur la source de son inspiration. D’avance, je me doutais par conséquent de ce que contiendrait son film. Je savais aussi que Pierre Bergé s’était opposé à ce projet, et que le robinet à phynances s’était un peu tari. Mais j’ignorais, car il y a des choses que j’ignore (mais si !), que l’industrie de la haute couture avait participé néanmoins aux frais du film, lequel, du coup, s’est un peu mué en opération publicitaire pour ce secteur florissant.

Le film de Bonello est sorti à Cannes, et... n’y a pas reçu la moindre récompense, contre toute attente et prédiction. Mais il est sorti en salles cette semaine, et, sans surprise, les chers critiques – les mêmes, que croyez-vous ? – l’ont aussitôt bombardé de ce que je prévoyais sans mal : un feu roulant d’éloges apothéosiques, en dépit de sa durée plutôt exagérée, deux heures et demie. Oublié, le pauvre Jalil Lespert, et c’est tout juste si ceux qui le louangeaient au début de l’année ne l’ont pas traîné dans la boue et qualifié de ringard.

Sic transit.

(Moi, je l’aime bien, Lespert, quand il fait ce qu’il sait faire, jouer. Pas quand il réalise un film ou qu’il donne une interview, parce qu’il ne sait pas parler. Il était épatant, dans Ressources humaines)

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