Saladin
Non, il ne sera pas question ici d’Olivier Saladin, le copain de François Morel, mais du grand chef arabo-musulman qui vécut au douzième siècle et combattit les Croisades.
Le plus grand réalisateur égyptien a été Youssef Chahine. Je précise que Chahine n’était pas musulman, pas plus qu’Omar Sharif (qui ne s’est converrti à l’islam que pour pouvoir épouser une actrice musulmane, et dont le vrai nom est Michel Demitri Shalhoub ; je connais un de ses amis, qui a un petit restaurant près de la République, à Paris), mais chrétien – d’une mère grecque –, et que son prénom arabe est l’équivalent de Joseph. Du reste, tous ses amis l’appelaient Jo. Natif d’Alexandrie, ville on ne peut plus cosmopolite, il parlait parfaitement le français. Il a d’ailleurs mis en scène le Caligula d’Albert Camus à la Comédie-française.
J’ai connu les films de Chahine par Saladin (véritable titre : An-nasr Salah Ad-Dine – en français, « Salah Ad-dine le victorieux », sachant que Salah Ad-dine se traduit par « droiture de la religion »), grande fresque sortie en 1963, en couleurs et Ultrascope, format large de 2,35:1. Or Saladin n’avait rien d’un boucher fanatique, il était même plus civilisé que les croisés venus de France pour « délivrer le tombeau du Christ » – sic et resic, puisque les Croisades ont été avant tout une vaste entreprise de gros sous, via un pillage en règle des pays du Moyen-Orient. Saladin, émir (prince, mais qui n’a pas voulu être roi), n’aurait jamais commis les crimes dont se glorifient les barbares islamistes de notre époque, et, s’il lui est arrivé d’être impitoyable avec ses ennemis, il ne s’est pas permis la moindre violence sur un innocent. En fait, si on lui reproche parfois d’avoir fait systématiquement exécuter les templiers survivants de la bataille de Hattin, qui ne l’avaient pas volé, et décapité de sa main, au sabre, Renaud de Châtillon, c’est parce que ce dernier avait décimé le clergé orthodoxe de Chypre, rompu la trêve entre les deux camps, et... capturé et violé – mais ce n’est pas certain – la propre sœur de Saladin !
En revanche, ayant pris Jérusalem en 1187, il épargna toute la population chrétienne et libéra sans demander aucune rançon tous les chrétiens pauvres : il n’a rançonné que les riches – un impôt sur la fortune, en somme. Il n’a pas davantage fait raser le prétendu « saint » sépulcre, alors que ses vassaux réclamaient cette exaction, et a rétabli le culte juif, ce que n’avait pas fait, un siècle plus tôt, le chef croisé Godefroy de Bouillon, dont on nous dit tant de bien dans nos chères écoles françaises : avec lui, ce fut plutôt un bouillon de sang !
À cette époque, la civilisation arabo-musulmane était de loin supérieure à celle des pays européens chrétiens. On l’oublie un peu trop.