Série et feuilleton
Cela fait des années que la télévision anglophone est devenue supérieure en qualité au cinéma produit aux États-Unis et en Angleterre. La raison en est simple : les principales chaînes productives sont payantes. Donc, d’une part, elles ne sont guère regardées que par des adultes, et leurs téléspectateurs peuvent payer donc le financement est facilité. Il s’ensuit que le cinéma ne rameute guère que des jeunes, qui recherchent majoritairement les blockbusters ne nécessitant pas un scénario très élaboré – d’où la mode envahissante des films de « super-héros », comme ils disent.
Ce préambule passé, dissipons une erreur constante : les médias ont coutume de qualifier de séries les œuvres télévisées qui sont en réalité des feuilletons. Cela ne rate quasiment jamais. Alors, débroussaillons un peu cette notion.
Le feuilleton est né avec les journaux à grand tirage, et il était parfois écrit par de grands auteurs, comme Alexandre Dumas ou Eugène Sue. Le journal publiait chaque jour une petite partie de l’histoire, ce qui rendait nécessaire que leurs lecteurs achètent, le lendemain, le numéro suivant. Il tombe sous le sens que, si vous ratiez un numéro, vous perdiez le fil de l’histoire ! Cette combine marchait très bien, et les feuilletons avaient énormément de succès. Aujourd’hui, à la télévision, il existe toujours des feuilletons, dont chaque épisode dure environ quarante-cinq minutes, mais parfois plus. Ainsi, le dernier épisode diffusé du passionnant feuilleton britannique Downton Abbey dure 92 minutes. Les feuilletons qui, à juste titre, ont du succès aujourd’hui mais vont bientôt s’achever sont Dexter et Breaking bad, et d’autres continueront encore quelque temps, comme Homeland ou House of cards. Naguère, Dynasty était un feuilleton qui faisait dans le luxe et la culture, et il a duré neuf ans.
À l’opposé, la série, née avec le cinéma muet, n’a rien à voir avec ce système, elle n’est principalement composée que d’épisodes in-dé-pen-dants. Autrement dit, si vous en ratiez un ou deux, ou dix, ou si vous les voyiez dans le désordre comme c’est arrivé très souvent en France, ce n’était pas bien grave, l’essentiel étant dans les caractères des personnages, et non dans leurs aventures, plutôt insignifiantes. Je ne veux pas dire par là que ces séries étaient médiocres, puisque Friends, qui a tenu dix ans, était excellente, par exemple. Happy days, également, était une série, et elle reste dans toutes les mémoires.
Un cas curieux, Dallas. C’était au début une série, dont les épisodes n’étaient pas vraiment à suivre dans l’ordre. Puis la série a connu un tel succès que ses auteurs ont décidé de la transformer en feuilleton (mal, on a vu apparaître des incohérences ahurissantes avec, notamment, un personnage qui mourait, puis ressuscitait un an plus tard !). Je ne vois pas d’autres exemples d’une pareille mutation.