Sony, on t’adore !

Publié le par Yves-André Samère

(Non, je ne fais pas ici de la pub pour un fabricant de téléviseurs !)

Depuis des décennies sur France Inter, la tranche horaire d’une heure et demie qui commence à 11 heures était consacrée au pur divertissement, et elle a toujours été pilotée par un homme du métier – celui de la radio, avec cette exception remarquable que fut Thierry Le Luron, qui était aussi un homme de scène, et une immense vedette. Outre Thierry, on connut également Claude Villers, grand créateur, puis Laurent Ruquier, et enfin Stéphane Bern. Je n’oublie pas ce météore que fut Laurence Boccolini, même si elle ne tint que six mois, avant d’être lourdement lourdée par ce plouc de Jean-Luc Hees, à l’époque directeur de France Inter, et aujourd’hui PDG.

Tous ces animateurs étaient compétents, et les auditeurs leur doivent les meilleures heures de rire à la radio. Mais nous savons que, depuis presque deux ans, c’est fini, et le dernier animateur en date, venu de la télévision, Frédéric Lopez, est l’incarnation de l’incompétence. Sa seule innovation ne fut pas dans les gadgets idiots dont il a truffé son émission actuelle, non plus que le maintien de Daniel Morin dans cette tranche horaire, puisque Morin était là depuis des années. Non, sa seule bonne idée a été de recruter Sony Chan.

J’avoue qu’avant la rentrée de septembre, je ne connaissais pas Sony, qui pourtant avait officié ailleurs : dans la chanson, pour un disque intitulé Be a star, « à l’inspiration glam-électro » (je ne sais pas ce que c’est) ; sur Canal Plus pour la série La femme au fond du verre de saké ; au festival Juste pour rire avec des numéros dans le spectacle Princesse sans royaume, où tantôt elle chantait Heureuse infidélité, tantôt donnait le sketch Le portrait, le meilleur et où sa robe lui allait mieux (elle dissimulait ses jambes) ! Avant de venir sur France Inter, c’est sur Ouï-FM, petite radio parisienne installée à la Bastille, qu’on l’engagea, et Sois belle et tais-toi pas ! commencera le 5 juin au théâtre de Dix-Heures, spectacle où ne passeront (en principe) que des filles.

Ce qui domine chez Sony, c’est cette aptitude des Asiatiques à proférer des énormités, voire des monstruosités, sans jamais se départir d’un ton suave, ce que les Occidentaux ne savent absolument pas faire. J’ai acquis cette conviction en voyant un film d’un homonyme de Sony, Fruit Chan, réalisateur en 2004 d’un sketch de Three extremes intitulé Dumplings (ce mot signifie à la fois chausson et ravioli, et les Asiatiques raffolent des raviolis), dans lequel une femme apparemment jeune, mais en réalité septuagénaire, fabriquait des raviolis capables de conserver aux femmes une très longue jeunesse – comme la sienne. À la fin, on apprenait qu’elle les farcissait avec... des embryons humains ! Eh bien, métaphoriquement, Sony Chan est digne de son – presque – compatriote (presque, puisqu’il est né en Chine communiste).

Son histoire est originale : en 1997, sa famille fuit Hong-Kong pour échapper aux communistes qui ont obtenu de la Grande-Bretagne la rétrocession de cette colonie. Tous s’installent en Alsace, et Sony, qui a vingt-deux ans, commence des études d’architecte pour satisfaire ses parents, mais abandonne pour se tourner vers sa véritable vocation, le showbiz ! Le lancement via France Inter va l’y aider puissamment, et c’est tout le mal qu’on lui souhaite, car on trouve peu d’humoristes aussi originaux.

Je termine cette notule trop longue par un détail qui n’aura peut-être pas échappé (non plus que le « en principe », trois paragraphes plus haut) à ceux d’entre vous ayant remarqué que, depuis le début, je n’ai employé aucun pronom personnel pour désigner Sony. Il m’aurait fallu choisir entre il et elle, or la majorité de ce milieu, c’est-à-dire le monde du spectacle, est catégorique : Sony Chan, qui aurait donc 38 ans et dont le nom complet est Ming Lun Sony Chan, est... un garçon ! D’ailleurs, les intervieweurs ne cessent de tourner autour du pot quand ils la ou le font parler, et, malicieusement, elle élude mais ne nie rien. Voyez plutôt ICI, il y a quatre ans chez Delarue.

Écrire ci-dessous une ânerie quelconque :

Y
Ma propension à trancher doit être une survivance de mon passé de charcutier.
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T
D'accord avec tout votre texte. merci beaucoup pour les liens vers ces quelques vidéos.<br /> Vous n'avez cependant pas pu vous empêcher de trancher (aïe!): "où tantôt elle chantait Heureuse infidélité[...]".
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D
Tilda Swinton.<br /> Je viens de regarder les deux extraits, et c'est du pur Sony. Merci beaucoup.<br /> Quant au "genre", je ne me suis pas penchée dessus, j'ai l'impression que cette question agite les crânes d’œuf en ce moment. Comprends pas non plus ce qu'on lui veut, au "genre".
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Y
Pour la langue française, c’est un classique : les étrangers la parlent mieux que les Français.<br /> <br /> En ce qui concerne le « genre », notion qui m’échappe un peu, cette remarque : si Sony était une fille, il n’y aurait pas eu de brimades scolaires dans sa jeunesse, car une fille qui<br /> a l’air d’une fille n’est évidemment pas chahutée. Et puis, est-ce qu’une femme parlerait de son « androgynie » ?
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D
J'ai énormément aimé quand Sony a chanté "la Tour Eiffel, la Tour Eiffel" en entier, même sans comprendre les paroles c'était joyeux et nostalgique à la fois. Une voix hors du commun, et de<br /> l'esprit. Daniel Morin, à sa façon, lui passe bien les plats ! Je me trompe peut-être, mais ils semblent avoir une réelle complicité. Due au talent, car Sony a un français que Lopez devrait lui<br /> envier.<br /> Lu une interview de Sony sur le Net fort intéressante, où son "genre" est celui que les autres veulent bien lui donner.<br /> Dont acte.
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