Tremblez, bonnes gens !
Il faut avoir vu des touristes japonais se promenant dans Paris, sur les Grands Boulevards, avec un masque de protection sur le visage, pour comprendre à quel point la peur de tout et de n’importe quoi peut rendre idiot. Hé ! les natifs de l’empire du Soleil levant, on ne craint pas les raz de marée, à Pantruche, et la plus proche centrale nucléaire, ce n’est pas ce machin blanchâtre au sommet de la colline de Montmartre ! Il est très moche, je vous le concède, mais dangereux seulement pour les esprits.
Il y a neuf ans, Michael Moore sortait son film Bowling for Columbine, titre faisant allusion au massacre commis en 1999 par deux lycéens sur leurs camarades de Littleton (Colorado), et sans la moindre raison. Bilan : treize morts. Cause : l’omniprésence des armes à feu aux États-Unis, et surtout l’usage que les États-uniens en font. Car, chose étonnante, la possession d’une arme n’entraîne pas obligatoirement le meurtre aveugle. En effet, au cours de son enquête, Moore était allé voir comment cela se passait au Canada. Stupeur ! Les Canadiens sont presque aussi bien armés que leurs voisins du sud : sept millions d’armes à feu personnelles pour dix millions de foyers, c’est énorme. Or, le taux de mort violente dû à cet arsenal est insignifiant. La différence est dans le comportement, c’est-à-dire la peur des autres, des étrangers, des jeunes, des Noirs, des musulmans, même de la musique !
Le film apprenait au public stupéfait que le Canada connaît moins de 300 meurtres par an, la France, 255, le Japon, 38, et les États-Unis... 11 127 ! Tandis que les « gendarmes du monde » tremblent en permanence et se calfeutrent chez eux, les Canadiens se marrent, profitent de la vie et ne ferment jamais leurs portes. Résultat : chez eux, une délinquance quasi-nulle !
Est-ce à dire que les pays autres que les États-Unis sont peuplés de pacifistes ? Non, répondait Moore : l’Allemagne a eu les nazis, l’Angleterre a colonisé la Terre entière sans prendre de gants, l’Italie a eu ses fascistes, le Japon fut leur complice durant la Deuxième Guerre Mondiale et multiplia les atrocités, etc. Or, ils ne connaissent pas cette épidémie de meurtres, ces flambées de violence, ces émeutes « raciales ». Mais alors, la cause de tout cela ? Qu’est-ce qui fait, des États-Unis, cet enfer, ce foyer de l’insécurité permanente ? Selon Moore, et je suis bien de son avis, c’est la peur, entretenue par les médias et les hommes politiques du style de George Bush le va-t-en guerre, chez eux, de Sarkozy chez nous. Et il donnait dans son film un exemple, cette rumeur imbécile qui a fait croire à ses compatriotes que des nuées d’abeilles à la piqûre mortelle allaient envahir leur pays, et qu’ils s’agissaient d’abeilles... africaines !