Tromper la censure, un devoir

Publié le par Yves-André Samère

On a su hier que tous les articles de Médiapart concernant l’affaire Liliane Bettencourt ont dû être retirés de la circulation par décision de la cour d’appel de Versailles, qu’ils soient sous forme numérique ou imprimés. Visés plus particulièrement, les enregistrements réalisés par le majordome de tante Liliane, parce qu’ils concerneraient la vie privée. Donc, chers amis, commettez tous les délits que vous voudrez, pourvu qu’ils restent privés !

Cette décision de censure, qui ne fait vraiment pas le détail, était d’autant plus stupide qu’elle a immédiatement suscité le fameux effet Streisand dont je vous ai déjà entretenu plusieurs fois : le fait de vouloir cacher quelque chose attire l’attention sur ce qu'on voulait dissimuler, et lui procure une publicité qui n’était certainement pas ce qu’on espérait de la censure. Effectivement, dès la décision prise par la cour et quelques minutes après qu’elle a été connue, une masse de copies des articles incriminés s’est mis à circuler sur Internet ! Il serait peut-être temps que la justice se mette au courant de ce qu’est la vie réelle en 2013...

Pour donner un exemple, le célèbre groupe The Pirate Bay a publié sur le réseau BitTorrent l’intégralité des articles de Médiapart : 95 pages d’articles au format HTML, 82 fichiers MP3 des enregistrements censurés, 79 images, et 14 pages au format PDF ou JPEG. Pour pallier la surcharge de trafic, les sites « miroirs » (des copies de sites) se sont multipliés, et la liste en a été publiée.

Seul effet réel de la décision de justice, Médiapart ne pourra plus publier de nouveaux articles. Mais qui peut empêcher que des journaux basés à l’étranger prennent le relais ? Par exemple en Suisse, en Belgique, en Allemagne, en Angleterre, en Italie, en Espagne ? Il le faudra bien, et nul ne va se gêner, pour évoquer le fait qu’hier, Éric Woerth et Patrice de Maistre ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel pour trafic d’influence dans le cadre de la même affaire Bettencourt. C’est nécessaire, puisque ce qu’on leur reproche est fondé sur le fait que, dans l’un de ces enregistrements, accepté par la justice mais que les journaux n’ont plus le droit de citer, Patrice de Maistre parlait de la femme de Woerth à Liliane Bettencourt, qui avait recruté cette dame. En échange, l’honnête Woerth avait donné la Légion d’Honneur à Maistre !

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