Trop intelligents !

Publié le par Yves-André Samère

Je me suis engagé à ne pas parler ici de cinéma, mais je ne me suis pas engagé à ne rien dire de ceux qui font des films, et de leurs défauts les plus criants.

Ainsi, outre l’avant-première de ce soir au Rex et celle qui a eu lieu à Los Angeles le 26 octobre, on sortira en salles mercredi, un peu partout dans le monde (et la veille à Londres), le dernier film de Christopher Nolan, Interstellar, qui a déjà fait pousser des cris d’admiration à un tas de gens ne l’ayant pas vu ou ignorant le 2001 de Stanley Kubrick. C’est que Nolan passe pour intelligent. Très intelligent. En fait, c’est sa principale ambition, paraître intelligent. Or cette prétention m’a sauté aux yeux lorsque j’avais vu à Ivry, également en avant-première, son Inception – film que je déteste. Lorsque l’émission de France Inter Le masque et la plume a parlé de ce film, un seul des quatre critiques présents, Alain Riou, a dit l’avoir plutôt aimé.

J’ai mis cela sur le compte de ce goût du paradoxe chez Riou, un joyeux plaisantin qui proclame volontiers que la mise en scène n’a aucune importance, et qui a dit, à propos de There will be blood, qu’il n’aimait pas les chefs-d’œuvre. Mais ses trois collègues, en gros, avaient fait les mêmes réserves que moi : Inception ? Film trop long, trop bruyant, trop chargé en scènes d’action que le sujet ne justifiait nullement. Éric Neuhoff, critique au « Figaro » et pas plus idiot que la moyenne, a même eu le courage de dire qu’il ne comprenait rien à l’histoire.

Cela m’a fait souvenir que, naguère, Henri Verneuil, qui n’était certes pas le meilleur réalisateur de France mais ne manquait pas de bon sens, avait déclaré, au Tribunal des Flagrants Délires sur la même radio, qu’au contraire des réalisateurs français, ceux des États-Unis ne se souciaient pas de « paraître intelligents ». Or, devant Inception, on avait vraiment l’impression que Nolan, son réalisateur, misait sur le fait que les spectateurs, craignant de paraître trop sots, reculeraient face à la perspective d’admettre qu’ils n’y avaient rien compris. En tout cas, la ruse a bien fonctionné, je n’ai rencontré que des spectateurs qui avaient TOUT compris ! Moi, rien.

Ô mes parents, que je vous en veux de m’avoir fait naître idiot ! Nolan, lui, doit être trop intelligent.

(Je blague, bien entendu. Orson Welles n’a jamais passé pour un débile admiré par des débiles, or ses films sont d’une clarté sans pareille. De même pour Hitchcock, le plus grand réalisateur de tous les temps, et qui mettait la clarté au-dessus de tout. Que ceux qui n’ont rien compris à un film de ces deux génies m’écrivent, ils gagnent la traditionnelle Cadillac en or massif)

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