« Un fil à la patte » sur France 2
Donc, mardi soir, France 2 a diffusé Un fil à la patte, pièce de Georges Feydeau, prétendument en direct, mais c’était un pur mensonge, et je l’ai démontré. N’y revenons pas, c’est inintéressant, les petits coups de pouce à la vérité, et l’on en est gavés, avec le fabuleux gouvernement que not’ bon maît’ nous a donné. Ce qui m’intéresse ici, c’est que la totalité des critiques se sont enthousiasmés pour cette pièce, et qu’il n’y a plus de places jusqu’à la fin de la saison en juin. J’ai donc enregistré l’émission, et je comptais en faire un DVD pour me la repasser à loisir jusqu’à la fin des temps. Eh bien non, cet enregistrement, je vais l’effacer.
Je ne dis pas que la mise en scène ou les acteurs étaient mauvais, c’est plutôt le contraire. Mais j’ai de sérieuses réserves sur certains choix de Jérôme Deschamps, directeur de l’Opéra-Comique et metteur en scène occasionnel à la Comédie-Française. Ma critique porte, non pas sur le respect des indications (très strictes) de l’auteur, qui, pour une fois, ont été suivies d’assez près ; elle porte sur le parti-pris de rendre les décors de plus en plus lugubres à mesure que l’action avançait (or l’Acte II, qui est le plus faible de la pièce, n’avait pas besoin de ça), et surtout sur la distribution.
Passons sur l’interprète de Lucette, le principal personnage féminin, autour de qui toute l’action tourne. Florence Viala n’est pas mauvaise du tout, et elle est assez jolie, mais elle n’a pas le piquant que montrait Sabine Haudepin, et on regrette cette excellente actrice (que Belmondo avait réclamée pour être sa partenaire dans Kean). Le personnage de Bois d’Enghien, le lâche de la pièce, est encore plus mal incarné, par un Hervé Pierre qui est tout sauf séduisant, or il doit être aimé de deux femmes, dans l’intrigue, et on ne croit pas du tout qu’avec son physique grassouillet, ce soit possible.
Mais le pire fut l’acteur qui incarnait Bouzin, et qui a enthousiasmé critiques et spectateurs. Or, je regrette, mais le jeu de Christian Hecq, qui oscille entre celui de Louis de Funès dans Oscar et de Jacques Villeret dans La soupe aux choux, est aux antipodes de son personnage tel que le définit le texte ! Si vous ne me croyez pas, lisez-le, ce texte, vous y constaterez que Feydeau ne lui fait faire aucune pitrerie, aucune acrobatie (quelques secondes avant la fin, il se jette dans la cage de l’escalier, et, vu la durée de sa chute, il se tue probablement !), et je suis persuadé que Feydeau l’aurait rapidement récusé en le taxant de cabotinage.
C’est surprenant de la part de Deschamps, qui est le contraire d’un niais. Il n’a pas vu que l’auteur a prévu ceci : on rit de Bouzin, non pas à cause de ce qu’il fait, mais à cause de ce qu’on lui fait subir. C’est le souffre-douleur de la pièce, et le public est évidemment complice. Mais peut-être le metteur en scène a-t-il hésité, justement, à mouiller les spectateurs. Pourtant, c’est bien ce que faisait Feydeau, qui n’était pas un « gentil ».