Vocabulaire de substitution
Apparemment, ce qu’il y a de plus difficile aujourd’hui en France, c’est de parler français. Mais la difficulté prend plusieurs formes.
Il y a d’abord ces mots devenus obscènes, et donc prohibés : père et mère, qui ont disparu au profit de papa et maman. Normal, c’est la nostalgie de l’enfance et de son langage. Autres obscénités : Arabe et Noir. On a entendu ce matin ce matin sur France Inter que François Hollande protégeait Manuel Valls, parce que « taper sur les Roms » permettrait de s’attaquer à l’immigration sans toucher à la diversité. Je propose, au cas où l’on déciderait d’imiter les États-Unis et l’Afrique et d’indiquer désormais la « race » des citoyens sur leurs papiers d’identité, d’inscrire sur ces documents le mot divers en lieu et place de ces deux mots tabous : vous n’êtes pas d’ici, vous, d’où sortez-vous ? Moi ? Je suis divers.
En moins politique et plus pratique, effaçons des dictionnaires : le verbe commencer, qui ne sert plus à rien depuis que débuter et démarrer ont pris sa place (au détriment de la syntaxe, mais qui se soucie encore de cette notion dépassée ?) ; le verbe travailler, que plus personne n’emploie puisque bosser remplit beaucoup mieux le même office ; le nom médicament, bien oublié depuis que nous savons prononcer le mot médoc ; le mot ami, viré au profit de pote ; les obscènes amant et amoureux, inutiles puisque copain a EXACTEMENT le même sens (en dépit de ce que radotent les grincheux) ; l’expression quelque chose, car truc (Hé ! J’ai un truc à t’dire) est bien plus aisé à caser ; et bien entendu l’adverbe très, retiré de la circulation au profit de trop. Je n’insiste pas, car je préfère éviter les clichés, sur l’adjectif génial, qui, désormais s’applique à tout, du cheese-burger à la coupe de cheveux.
Une foule d’autres exemples se présentent à l’esprit, mais je ne veux pas vous priver du plaisir de les trouver vous-même. Il suffit d’ouvrir un journal ou d’allumer la radio, vous en ramasserez à la pelle, comme les feuilles mortes.