Voir « Colonel Blimp »
Vue hier après-midi, mais en vidéo car le film est trop long pour être vu en salles – deux heures et quarante-trois minutes, vous allez aux toilettes, et vous perdez au moins trois minutes de l’histoire –, la reprise d’un classique du cinéma britannique, tourné en 1943 par le fameux tandem Michael Powell et Emeric Pressburger, auquel on doit quatorze films (séparément, ils en ont fait bien davantage), dont Les chaussons rouges et Le narcisse noir. Celui dont je parle s’intitule en français Colonel Blimp, mais son titre original est The life and death of colonel Blimp.
Powell était un Britannique pur sucre, tandis que Pressburger était un immigré hongrois, mais qui parlait l’anglais mieux que le roi de l’époque – celui qui était bègue, vous savez bien. Tous deux étant fort cultivés comme tous les cinéastes l’étaient autrefois (ça a bien changé, aujourd’hui, on a des Tarantino et des Luc Besson), je ne doute pas que le titre de leur film s’inspirait d’un roman que tous les Anglais connaissent, The life and opinions of Tristram Shandy, gentleman), dû à Laurence Sterne, un type très cultivé lui aussi, et qui avait lu Rabelais, on vous le garantit ! Malheureusement, en France, on a tendance à l’ignorer.
Pourquoi fais-je le lien avec Colonel Blimp ? Parce que le roman de Sterne, d’abord publié en feuilleton, ne raconte absolument pas la vie ni ne rapporte les opinions annoncées dans son titre, attendu que Tristram Shandy, le narrateur imaginaire, arrête son autobiographie à l’époque où il atteint ses... six ans, et parle de tout sauf de lui-même. L’auteur, Sterne, est un virtuose de la digression et de la plaisanterie typographique (il a été jusqu’à insérer dans son livre une page entièrement noire, une blague qui a sans doute inspiré l’auteur du livre dont je parlais hier, publié par les éditions Points, Extrêmement fort et incroyablement près, ce que vous vérifierez en achetant le roman), et le sérieux ne l’étouffait pas.
Signalons que, dans leur film dont ils ont écrit le scénario, les deux cinéastes, malicieusement, n’ont fait figurer aucun colonel, que leur personnage n’y meurt pas, et que nul ne s’y nomme Blimp ! Ce mot, en fait, désigne cette catégorie de militaires de carrière que les antimilitaristes qualifient de « culotte de peau », voire de « vieille baderne », et, là encore, ce genre de personnage est absent de l’histoire. En fait, le fameux colonel Blimp est un personnage de bande dessinée due à David Low (pas le David Lowe actuel). Et l’on sait que Winston Churchill détestait le film et a tenté de l’interdire !
Mais allez donc le voir ou achetez le DVD de la version restaurée, au lieu de vous retaper Intouchables comme font les blaireaux.