Vous voulez un écrivain ? Voilà !

Publié le par Yves-André Samère

Je ne lis pas les prix littéraires. Ou alors, j’attends quelques années – que la mousse soit retombée. Si j’ai bien sur mon disque dur le Prix Goncourt de l’année dernière, La carte et le territoire, de Michel Houellebecq (uniquement parce qu’un petit malin s’était amusé à mettre en ligne ce livre, pour « punir » Houellebecq d’avoir utilisé Wikipedia), je ne l’ai pas encore lu : lire un livre entier sur un écran, c’est trop pénible, et il m’a fallu plus d’un mois pour terminer Le père Goriot de Balzac (mais non, Ariane Massenet, ce n’est pas de Flaubert !).

En réalité, le dernier roman couronné par le Prix Goncourt et que j’ai bel et bien lu, c’était Les Bienveillantes, de Jonathan Littell, dont j’ai déjà parlé ici. Encore ai-je attendu qu’il paraisse en édition de poche, et dûment corrigé de ses fautes. Je sais que ce livre est difficile à lire, parce qu’il ressemble souvent à un annuaire de l’armée du Troisième Reich, mais il n’est pas que cela, et c’est en fait passionnant.

Bref, hier, on a donné le Goncourt à un inconnu, Alexis Jenni, pour L’art français de la guerre. J’ignore tout d’Alexis Jenni, je sais seulement qu’il est professeur de sciences naturelles en province, et qu’il a envoyé son roman à Gallimard par la Poste, l’imprudent ! (Vu le nombre de colis perdus par la Poste, on frémit à l’idée d’avoir raté une douzaine de Prix Goncourt depuis que ce prix existe). Mais Jenni, sans toutefois nous faire bouillir, a fait ce matin sur France Inter la démonstration qu’on peut savoir écrire et ne pas savoir parler. Invité par Pascale Clark, il a inondé les auditeurs de « Bon ! » et de « Voilà ! », à croire que Marie Colmant s’était glissée subrepticement dans sa peau. Lâcher une douzaine de « Voilà ! » en une minute, aucune bête au monde ne l’aurait fait. Et si vous ne me croyez pas, allez écouter l’émission en différé sur le site de France Inter, vous serez édifiés.

En somme, les écrivains n’influencent plus le public, c’est le public qui influence les écrivains. Dans sa tombe, cette vieille canaille de Sartre doit se tordre.

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