Zut ! Un « seul » degré ?

Publié le par Yves-André Samère

Voilà déjà un moment que je n’ai pas été désagréable avec mes semblables (enfin, « semblables », il faut le dire vite...) en les reprenant sur leur façon de s’exprimer. Je vais donc faire coup double en les reprenant aussi sur les mathématiques. Et plus précisément, sur leur logique.

Branché sur l’actualité comme je le suis, je suis tombé sur un vieux bulletin du spécialiste de la météo, Jacques Kessler, un ingénieur météorologue qui travaille à Radio France. Comme ce bulletin datait du 17 avril dernier et que la Terre se réchauffe comme chacun sait, il y annonçait que la température prévue à Marseille serait de 1° (Celsius, pour mes innombrables lecteurs de langue anglaise). Et le cher Jacques disait ceci : « Il ne fera qu’un seul degré à Marseille ».

Si vous ne trouvez rien d’anormal dans cet énoncé, votre cas est grave.

« Un SEUL degré », cette expression se décompose ainsi : un nombre, un, faisant office d’article indéfini pour introduire le nom degré, suivi d’un adjectif qui caractérise ce nom, seul. D’où on peut conclure que ce malheureux degré se retrouve seul. Solitaire, abandonné de tous, prêt à se jeter sous un bus, de désespoir. Jacques Kessler, pourtant ingénieur et donc habitué aux nombres, devrait n’avoir pas oublié que certains nombres, dits « entiers naturels », servent à compter – à dénombrer – des objets qui ne peuvent se présenter qu’ENTIERS, comme les pommes, les présentateurs de télévision ou les lois antilibertaires ; et que d’autres, qui sont dits, selon le cas, entiers relatifs, ou rationnels (les fractions), ou irrationnels (comme pi), ou complexes (comme la racine carrée de -1, qui... n’existe pas, mais qui est utile à certains calculs), servent, selon le cas, à mesurer ou à repérer un point sur une échelle.

Compter et mesurer, c’est très différent. En effet, « 1 boule de pétanque », cela signifie quelque chose, mais « 1,8 boule de pétanque », c’est absurde. En revanche, « 1° Celsius » ou « 1,8 ° Celsius », ce n’est pas absurde, cela traduit un écart par rapport à la graduation zéro du thermomètre. Mieux, « -1 boule de pétanque » n’existe nulle part, pas même à Marseille dont nous parlions, alors que « -1° Celsius » possède un sens : un degré plus bas que la graduation zéro du thermomètre.

On comprend donc par là que les degrés ne sont pas des objets que l’on compte un à un, mais uniquement des écarts par rapport à un point qui sert d’origine par pure convention, et qui est le zéro du thermomètre (mais ce pourrait être un autre point, l’essentiel étant que ce soit la même origine pour tout le monde). Et dire qu’un écart, qui peut être plus ou moins grand, est « seul », c’est dépourvu de sens !

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