Parler l’anglais correctement
La totalité des journalistes français croient parler couramment l’anglais. C’est beau, cette innocence...
Hier, j’ai expliqué comment se prononçait le nom d’Harvey Weinstein, ce producteur hollywoodien qui a de petits ennuis actuellement. Eh bien, cela a provoqué des effets miraculeux, puisque ce matin, sur France Inter, pas un seul des intervenants, tous plus savants les uns que les autres, ne l’a prononcé correctement, et je m’y attendais, sachant combien l’obstination dans l’erreur est commune aux bipèdes contemporains grenouillant dans cette profession. Cela balançait entre vène-chtaïne et ouène-chtaïne, avec donc une prédilection pour la prononciation pseudo-allemande. Mesdames et messieurs, si vous n’avez pas la télé, repassez-vous donc le DVD de Citizen Kane : ce film d’Orson Welles comprend un personnage qui justement porte le nom de Bernstein, très proche phonétiquement par sa seconde syllabe.
En ce moment, également, on entend beaucoup le mot yacht, parce qu’il est question de taxer les bateaux de plaisance que collectionnent les milliardaires pour les garer dans le port de Saint-Tropez. Or, dans les radios-télés, on entend systématiquement « yaute », avec le yau de tuyau. Les coupables justifient cette prononciation bizarre en argüant que le mot est anglais. Je supplie donc les anglicisants qui me lisent par millions de me fournir un seul exemple de mot anglais – je ne suis pas exigeant – contenant la suite ach qui se prononce au. Ils y gagneront une Cadillac en or massif, mon cadeau traditionnel aux gens valeureux. Je rappelle que yacht est un mot néerlandais, pas anglais, et que, de Rotterdam à Groningue, on dit « yâHt », avec un â guttural et un H râclant la gorge, comme en arabe. Les vrais anglophones disent « yât », supprimant simplement ce H trop exotique.
Ajoutons que Greenwich ne se prononce pas « grinouitche », car le W est muet dans un tas de mots, comme sword (épée), mais nul ne semble le savoir, chez nos savants polyglottes. Ils ne voyagent jamais, sans doute.