Réécrire l’Histoire, tout un art...
Je vous raconterai un autre jour comment De Gaulle, désireux de passer pour un prophète en matière militaire, avait truqué un de ses livres publié avant la Deuxième guerre mondiale, et corrigé a posteriori son texte lors d’une réédition publiée APRÈS ladite guerre. Mais aujourd’hui, je vais vous montrer que Mitterrand, qui l’imitait en tout quoique feignant de condamner son coup d’État permanent, n’a pas répugné à descendre au même niveau.
En 1988, un mois avant le premier tour de l’élection présidentielle à laquelle Mitterrand se présentait (pour être réélu, puisqu’il était déjà président depuis 1981), le journal « Libération » fit faire une enquête afin de connaître les intentions des principaux candidats au sujet de l’immigration. En effet, la droite cherchait à durcir les conditions d’obtention de la nationalité française – Chirac refusa de répondre, alors qu’il était candidat –, cette question était donc un enjeu important. Mitterrand accepta l’interview, qui fut menée dans la bibliothèque de l’Élysée par Béatrice Vallaeys et Jean Quatremer, en présence de Ségolène Royal, alors conseillère de Mitterrand pour les affaires sociales.
Interrogé sur le cas des jeunes étrangers nés en France, mais de parents étrangers nés hors de France, Mitterrand répond qu’ils sont « français dès leur naissance ». C’est faux, la loi qui est alors en vigueur dit qu’ils ne le deviennent qu’à leur majorité, et à condition d’avoir résidé en France durant les cinq ans précédant cette majorité. Le président de la République ignore donc la loi, que Quatremer lui rappelle.
Étonné, Mitterrand interroge Ségolène Royal, mais le journaliste lui précise que c’est l’article 44 du code de la nationalité française. Alors, superbe, Mitterrand rétorque : « Ils sont français parce que je le veux ». Louisquatorzien, ou quasiment.
Les deux journalistes transcrivent l’intégralité de l’interview, y compris ce propos ahurissant, puis envoient à l’Élysée le texte qu’ils ont établi. Et que croyez-vous qu’il arriva ? On leur retourna leur papier, mais corrigé : la bourde de Mitterrand avait été supprimée, et l’article réécrit du début à la fin. Il fut publié dans cette version, digne de 1984.
NB : « Libération » avait bien changé, depuis les idéaux de 1968...