« J’étais même pas né ! »
Dès la première phrase de François Morel ce matin, j’ai compris où il voulait en venir : botter métaphoriquement les fesses de ces crétins qui, à n’importe quelle citation d’un personnage ou d’un évènement qui n’est pas d’actualité, s’écrient « Ben j’le connais pas, j’étais même pas né ! ».
Admirable. Ainsi, un Français né après 1980 ne devrait pas connaître Alfred Hitchcock ; après 1981, se gratter l’occiput au nom de Georges Brassens ; ignorer l’existence d’Edmond Rostand (défuncté en 1918). Remontons plus loin : aucun Terrien vivant ne devrait savoir qui étaient Napoléon (mort en 1821), Michel-Ange (1564), Jules César (-44), voire Jésus (30 ou 32, on n’en sait rien).
J’ai été témoin de ce genre d’imbécillité, une nuit, lors du Marathon Friends de décembre 1999, au cinéma Max-Linder. Comme cela durait jusqu’au matin, et qu’entre les épisodes de la série, on intercalait des interviews d’admirateurs – l’un de mes amis lecteurs en faisait partie, c’est là que nous nous sommes connus – ou des quizz proposés par les spectateurs, j’ai proposé à l’assistance une question portant sur l’épisode qu’on venait de voir (ou revoir) : quel était le morceau de musique dont un passage accompagnait telle scène, qui se passait dans un taxi ?
Dans le public, personne n’a trouvé. On m’a donc prié de donner la réponse, qui était une musique de Bernard Herrmann pour le film de Martin Scorsese, Taxi driver – la toute dernière partition de ce génie qu’était Herrmann, soit dit en passant. Ce morceau au saxophone est très connu, mais non seulement nul dans la salle ne le connaissait, mais on a eu droit à quelques protestations dans la salle : « C’est vieux ! »
Rappelons que Scorsese vit et travaille toujours, et que ce film est l’un des deux meilleurs de sa filmographie (avec Raging bull). Oui mais voilà, il date de 1976, et même Robert DeNiro en vedette ne suffisait pas à le repêcher !
Eh oui, le public n’était pas né...