Croire les films militants ?
Ceci n’est pas la critique d’un film, puisque je n’en fais pas ici, mais d’un cinéaste, Hubert Sauper, que j’estime intellectuellement malhonnête.
En 2004, Sauper, qui est autrichien mais vit à Paris, avait montré au Festival de Venise son « documentaire » Le cauchemar de Darwin, qui était plutôt un documenteur ! Les critiques s’étaient extasiés, sans s’aviser que son auteur portait une série d’accusations sans preuve, et que, s’abritant derrière une défense prétendue des populations africaines, il répandait des sottises.
Mal construit car il perdait son sujet en route avant de le récupérer une heure plus tard, ce film racontait une supposée catastrophe écologique : on aurait, un jour, importé des perches du Nil pour en peupler le lac Victoria, or cet énorme poisson est un prédateur, qui a fait disparaître tous les autres poissons du lac, y compris ceux qui, se nourrissant d’algues, empêchaient celles-ci de pomper tout l’oxygène de l’eau. Outre cela, cette importation, qui avait permis d’implanter en Tanzanie une industrie de traitement du poisson, ne permettait d’exporter les perches que vers les pays riches, en raison d’un traitement coûteux qui en rendait la consommation impossible aux habitants du pays, trop pauvres. Et le film racontait qu’on leur refilait seulement les carcasses : tête, arêtes, lambeaux de chair restant... plus les asticots qui s’y étaient installés ! Or, sur ce point, il a été prouvé que le film mentait.
Autre tare encore plus criante, Sauter racontait que les filets de perche étaient exportés par avions, que ces avions arrivaient vides en Tanzanie et en repartent pleins, et avançait qu’en réalité, ils arrivaient chargés d’armes et de munitions destinées aux guerres locales – qui ne manquent certes pas sur le continent. Or cette accusation n’était nullement étayée, puisque la seule « preuve » que le film apportait était le témoignage d’un journaliste local.
Il y a dix jours, Sauper a sorti à Paris Nous venons en amis, autre film militant en faveur de l’Afrique, et les journaux l’ont couvert de fleurs. Mais cette fois, méfiez-vous, le cinéma militant, c’est comme les politiques militants : les scrupules l’étouffent rarement...