Elkabbach, commandeur de la Légion d’Honneur !
L’une des règles que le fondateur du « Canard enchaîné », Maurice Maréchal, avait instaurée à la naissance de son journal en 1915, avait été celle-ci : aucun journaliste employé par lui ne pourrait accepter la moindre décoration, sous peine d’être immédiatement viré. Cela ne se produisit qu’une seule fois, en 1933, et très injustement : Pierre Scize avait reçu la Légion d’honneur à titre militaire, pour avoir perdu un bras au cours de la Première guerre mondiale. Mais son directeur n’admit aucune exception, ce qu’il est permis de trouver parfaitement bureaucratique et un tantinet dégueulasse. Mais je ne me suis jamais gêné pour écrire ici que la morale du « Canard », très donneur de leçons pourtant, est assez élastique.
En tout cas, cette mésaventure ne risque pas d’arriver dans les autres journaux ! Voyez plutôt Jean-Pierre Elkabbach, pilier de la radio Europe 1 : en mai 2009, Chirac, qui n’est plus président, lui remet les insignes d’officier de la Légion d’honneur. Pour services rendus ? Certainement pas pour faits de guerre, en tout cas. Puis, en juillet 2014, c’est Valls, Premier ministre, qui le promeut commandeur de la même Légion d’Honneur, promotion décidée par Hollande himself.
Elkabbach est en réalité un type détestable, ayant mangé à tous les râteliers et servi tous les pouvoirs, y compris les pires. En 1977, devenu le directeur de l’information d’Antenne 2, il ne supporte pas qu’on critique le président du moment, Giscard. Il s’offre même le ridicule, en décembre 1977, de commenter le « couronnement », à Bangui, du « cher cousin » Bokassa, qui avait décidé de devenir l’empereur (sic) de Centrafrique. Hélas, les relations entre Giscard et Bokassa tournèrent au vinaigre moins de deux ans plus tard, le premier fit renverser le second par l’armée française en profitant d’un voyage dudit empereur en Libye, et ce coup d’État permit hélas de mettre la main sur des documents prouvant que Giscard, lorsqu’il était encore ministre des Finances, avait accepté en cadeau des diamants offerts par Bokassa. Ce scandale coûta à Giscard sa réélection en 1981, mais il a coûté aussi sa place à Claude Sérillon, journaliste d’Antenne 2, qui tenait alors la revue de presse : Elkabbach avait interdit qu’on parle de cette histoire, Sérillon n’en avait pas tenu compte, et fut viré immédiatement !
Elkabbach n’aime pas qu’on lui rappelle cette affaire, je l’ai vérifié moi-même quand, lors d’une conférence qu’il donnait, je l’ai remise sur le tapis. Il en était vert de rage.