Le cracking et la loi
En toute logique, commençons par la fin : vous avez assimilé les bases du cracking, craqué votre premier programme et trouvé le patch (c’est-à-dire la modification) à lui appliquer. Garderez-vous le résultat de votre travail pour vous seul ? Ce serait étonnant ! Vous ne résisterez certainement pas à la tentation d’en faire profiter vos amis, à défaut du reste de l’univers. Autrement dit, il vous faut maintenant distribuer votre patch. Parfait, mais est-ce légal ?
On le sait, les programmes protégés sont l’enjeu d’une lutte acharnée entre, d’une part, leurs auteurs ou les firmes qui les emploient, et, d’autre part, les « craqueurs », improprement appelés hackers, qui s’efforcent de supprimer toute protection des programmes qui les intéressent. De toute évidence, la loi est du côté des premiers : il s’agit de faire respecter le droit d’auteur. Apparemment, la morale aussi, car le cracking est une forme de vol. Mais les craqueurs ripostent que ce n’est pas si simple.
D’abord, parce que certaines grosses firmes productrices de logiciels abusent de leur position dominante, pour ruiner leurs concurrents ; pour maintenir des prix élevés ; pour faire de leurs produits un standard, et les imposer, même aux clients qui ne désirent pas les acquérir. C’est le cas de Microsoft, dont le comportement hégémonique se trouve aggravé par le fait que cette firme possède sa propre presse pour promouvoir ses produits ; ses complices de fait, comme Intel, le fabricant de processeurs ; et sa police privée, le BSA. Ce dernier, qui n’a aucun pouvoir en matière de justice mais aimerait bien laisser croire le contraire aux naïfs, a d’ailleurs eu maille à partir avec la Justice belge, pour avoir inséré, dans les journaux de Belgique, des communiqués incitant les employés des entreprises qui utiliseraient des logiciels piratés à dénoncer leur employeur : le tribunal qui jugeait l’affaire a vivement blâmé le BSA belge, et l’a sommé d’abandonner ces appels à la délation.
Ce n’est pas tout : l’informatique est sans doute la seule branche du commerce dans laquelle des produits sont vendus sans aucune garantie de bon fonctionnement. Imagine-t-on un constructeur automobile mettant sur le marché des voitures « en version bêta », laissant aux acheteurs le soin de tester ses nouveaux modèles ? Et surtout, ne pas assumer les conséquences des vices de forme cachés de ses produits ? Mieux, le plus souvent, le simple fait pour un acheteur d’ouvrir l’emballage d’un produit, qu’il ne connaît donc pas encore, suffit à lui ôter, dans l’optique des marchands de logiciels, tout droit à réclamation. Ne disons rien des constantes violations de la loi qui impose, notamment en France, un mode d’emploi rédigé dans la langue du pays : les doléances adressés aux éditeurs par les clients mécontents de ne pouvoir déchiffrer un manuel rédigé en anglais restent généralement sans réponse, et, si les plaignants font appel à la Justice, leurs plaintes n’aboutissent pratiquement jamais !
Dans ce contexte, les craqueurs ont beau jeu de se poser en redresseurs de tort, argüant qu'on a parfaitement le droit d’écrire un patch, et même de le publier : lorsque vous rendez public un patch que vous avez écrit vous-même, vous ne violez aucune loi. Le patch a été écrit par vous, il est votre propriété intellectuelle, vous pouvez en faire ce que bon vous semble, y compris le mettre à la disposition du monde entier. La personne violant la loi est l’utilisateur final qui l’emploiera pour modifier illégalement ce qui appartient à autrui, en violation des termes de la licence acceptée en installant le programme. Bref, il n’est pas illégal d’écrire et de distribuer un crack, il est seulement illégal de s’en servir !