Sourd ou aveugle ?
Dans Journal d’un corps, roman de Daniel Pennac, une phrase me fait tiquer à la page 205, dans l’édition en poche : « Je préfèrerais être aveugle que sourd ». Il est vrai qu’à la page suivante, le narrateur, à la suite d’un cauchemar, change d’avis : « Je me réveille en sursaut et révise aussitôt mon opinion : plutôt sourd qu’aveugle ! ».
Pour ma part, je n’aurais pas attendu d’avoir un cauchemar. Si je devais perdre la vue, ma vie s’arrêterait. Plus de livres, plus de films, incapacité de sortir pour les nécessités les plus élémentaires, mon choix serait vite fait. Avec cette difficulté, néanmoins, qu’il est très difficile de se suicider quand on ne voit plus ! Le procédé le plus simple serait d’ouvrir le gaz, mais on risque alors de mettre en danger la vie de ses voisins.
En revanche, devenir sourd ne me serait pas si pénible. On peut lire en paix, regarder des films sous-titrés, et on échappe enfin à la musique atroce qui les accompagne généralement. Outre cela, dans les salles de cinéma, fini le vacarme des publicités, adieu les conversations des voisins pendant le film ! Tandis qu’à la radio, on ne subirait plus les propos débiles des bavasseurs de micro, agrémentés de fautes de français. Enfin la paix. Parfois, on souhaiterait se défoncer les tympans avec une fourchette...
Et la musique, me manquerait-elle ? Pas vraiment. Les compositeurs qui me plaisent, je les connais par cœur, et je peux bien les écouter en imagination. Quant à ceux qui ne me plaisent pas...