Un redoutable cliché de télévision

Publié le par Yves-André Samère

Je suis certain que, tout comme moi et quelques centaines de millions de téléspectateurs, vous avez vu, dans une série télévisée, la scène suivante : une personne est victime d’un arrêt cardiaque, l’appareil de surveillance auquel elle est reliée (un moniteur de télévision, là aussi, mais qu’on appelle scope dans le milieu médical, et qui indique la fréquence respiratoire, la tension artérielle, la saturation du sang en oxygène, et l’activité cardiaque), affiche un tracé absolument plat, et l’équipe soignante relance le cœur grâce à un choc électrique délivré par un défibrillateur. Vous avez entendu cinq cents fois la célèbre réplique « Chargez à 300, on dégage ! ». Le malade fait un grand saut sur son lit, et paf ! Ça y est, le cœur est reparti, tout est au mieux dans le meilleur des mondes possibles, comme disait Pangloss. Le malade est comme neuf.

Eh bien, cette scène est à la fois un cliché parce qu’elle traîne partout et qu’elle ne sert qu’à faire du spectacle, et une imposture, parce qu’il est impossible de relancer ainsi un cœur défaillant – et souvenez-vous qu’à partir de trois minutes, si le cœur n’envoie pas du sang dans l’organisme, les dégâts sont dévastateurs. Si les médecins ne faisaient que ça pour faire repartir un cœur, le malade mourrait inévitablement.

Mais alors, à quoi sert le défibrillateur ? À relancer le cœur ? Non, il sert à... arrêter le cœur. Étonnement de votre part. Il arrête la fibrillation, qui est une contraction anarchique de l’ensemble des cellules du cœur, en les obligeant à se contracter violemment et en même temps, et à prendre un repos forcé de quelques instants, phase appelée sidération (et je gage que ça vous sidère aussi). C’est un peu l’équivalent du retour au calme obtenu dans une classe agitée quand le proviseur apparaît à la porte de la salle de cours. Après quoi, si le proviseur... pardon : si le malade a de la chance, il connaît une reprise d’activité cardiaque spontanée.

Par conséquent, si le moniteur du scope affichait un tracé plat, cela signifierait qu’il n’y avait plus aucune activité électrique naturelle dans le cœur, donc rien à faire redémarrer. Et que le malade ne l’était plus, puisqu’il était MORT !

Écrire ci-dessous une ânerie quelconque :

G
j'avais appris la technique du coup de poing sternal. Il n'est plus enseigné, du moins en secourisme mais peut être utilisé, en particulier pour palier à l'inutilité du défibrillateur.
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Y
Je poserai la question à un médecin.
J
Concernant la technique du coup de poing sternal, elle n'a d'intérêt que si la personne vient de se mettre en arrêt circulatoire. Elle est toujours d'actualité à l'hôpital.
Y
Merci. Tu ajoutes un détail que j’ignorais.
J
Ah, la télévision, ce machin qui en un rien de temps peut amener certains à se croire experts en des matières dont ils ignoraient l'existence jusque là. J'ai connu une pénaliste qui, parfois le soir, regardait au hasard des séries policières, jusqu'à ce qu'apparaisse une quelconque erreur de droit, moment où elle allait se coucher. Elle affirmait avoir rarement dépassé le pré-générique. <br /> Au fait, pourquoi ne pas avoir placé cette notule dans "clichés"?
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Y
Un oubli. Je corrige. Merci !