Protégeons les migrants !
Ils sont touchants, les habitants du seizième arrondissement de Paris, ceux-là même qui ont saboté une réunion prévue pour eux et présidée par la préfète responsable de l’édification, au bord du Bois de Boulogne, d’un abri pour deux cents migrants sans abri. La préfète a même été traitée de salope par un excité (vous avez bien dû voir le reportage du Petit Journal diffusé le 16 mars). Et lorsque les journalistes leur demandent pour quelle raison ils ne veulent à aucun prix de ces gens-là chez eux, les arguments d’une bouleversante sincérité fusent.
Résumons : ces gens-là seraient mieux en Syrie, d’ailleurs, ça ne va pas si mal là-bas, et on recommence même à rebâtir la ville de Palmyre, que les salafistes n’ont pas été fichus de détruire complètement ; ces gens-là, si loin de chez eux, seraient coupés de leur culture ; ces gens-là ne trouveraient aucune école qui convienne à leurs enfants ; ces gens-là, dans un quartier aussi cher, n’auraient pas les moyens d’acheter leur baguette de pain, dont le prix dépasse un euro ; ces gens-là, on envisage de les installer à la sortie d’un tunnel du boulevard périphérique, et ils risquent d’être victimes de la pollution ; ces gens-là seraient logés dans des baraques sous des arbres, et le jour où un arbre tombera sur un enfant, vous imaginez ; bref, ces gens-là seraient très mal à l’aise dans l’arrondissement, mieux vaudrait qu’ils s’installent ailleurs. C’est pour leur bien.
Naturellement, je ne trouve rien à dire contre des arguments aussi forts, aussi sincères, aussi dénués de toute arrière-pensée. Néanmoins, l’argument qui me séduit le plus et achève de me convaincre, c’est celui-ci : installer des migrants dans le Bois de Boulogne, très connu pour être fréquenté nuitamment par des kyrielles de prostituées et de travestis ? Non, ce n’est pas possible, on doit protéger leur moralité.
Résumons : les habitants du seizième arrondissement supportent très bien le voisinage de la prostitution au Bois de Boulogne, mais ils veulent épargner cette calamité aux malheureux étrangers. Dans le fond, ils incarnent la bonté même.