Un autre aspect du 8 mai 1945

Publié le par Yves-André Samère

Comme nous sommes le 8 mai, France Inter a envoyé hier dans les rues de Paris une de ses journalistes faire quelques micro-trottoirs. Mission très surprenante : demander aux passants ce qu’évoque pour eux la date du 8 mai 1945. But de cette mission : démontrer urbi et orbi que les Parisiens, surtout les plus jeunes, sont des ploucs ignares.

Et ça n’a pas raté, puisque les réponses absurdes se sont déversées comme les perles tombant jadis de la bouche de Peau d’Ane. On a tout eu : le 8 mai 1945, c’est la Fête nationale ; c’est l’armistice de la guerre de 14-18 ; et ainsi de suite. Seul un homme âgé a donné la bone réponse, mais comme vous la connaissez, je ne me fatigue pas à la transcrire ici.

Néanmoins, aucun des interviewés n’a mentionné un évènement survenu ce même jour du 8 mai 1945 : la répression féroce, ordonnée par le gouvernement que présidait alors De Gaulle, des manifestations nationalistes faites par les Algériens à Sétif, Guelma, Constantine et quelques autres villes. Par télégramme, De Gaulle lui-même ordonna la répression par une ordonnance du 11 mai, et la répression, sanglante, dura jusqu’au 22 mai. Et, depuis Bougie, deux navires de guerre tirèrent huit cents coups de canon sur Sétif. Bilan : entre trois mille et huit mille morts du côté algérien, cent deux du côté français. Ce qui a suscité, chez les Algériens, l’inévitable rancœur contre le pays colonisateur, et a ouvert la voie à la guerre d’Algérie, quelques années plus tard.

Dans ses Mémoires, De Gaulle se contente d’écrire qu’« en Algérie, un commencement d’insurrection survenu dans le Constantinois et synchronisé avec les émeutes syriennes du mois de mai a été étouffé par le gouverneur général Chataigneau », gouverneur qui, le 10 mai, avait qualifié les Algériens manifestants d’« éléments troubles, d’inspiration hitlérienne ». Je ne dis pas que les Algériens se sont conduits en parfaits gentlemen, d’ailleurs, et les atrocités ont été commises des deux côtés.

Je veux bien croire qu’à Paris, l’homme de la rue ne connaît pas ou a oublié ce glorieux fait, mais les journalistes le savent, eux. Et aucun n’a dit le moindre mot sur le sujet.

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