Avec quoi fabrique-t-on une sainte ?
Il y a une semaine, j’avais un peu dézingué Frédéric Pommier, qui fait la revue de presse du dimanche sur France Inter. Or ce matin, il s’est partiellement rattrapé en ne manquant pas quelques articles de journaux qui émettaient de sérieuses objections à propos de cette horrible mégère qu’un pape un peu inconscient et démago va canoniser aujourd’hui. Il devrait savoir, ce pape, que la décision de faire une sainte de « mère » Teresa a été prise par Jean-Paul II, un ami personnel de la dame, et que tous deux étaient TRÈS à droite. Jean-Paul a canonisé des centaines de religieux (record absolu dans la chrétienté) tous à droite, et aucun de gauche ; quant à la prétendue sainte, elle était notoirement opposée au divorce – sauf quand il s’est agi de celui de Charles et Diana, avec lesquels elle était aussi très amie – et à l’avortement, mesure en laquelle elle voyait un crime contre l’humanité.
Je reproduis le passage la concernant dans le papier de Pommier : « Un peu de gêne, aussi, à la lecture de différents articles consacrés à la canonisation de Mère Teresa. Articles que résume Maxime Bourdier sur le site HUFFINGTON POST. “Le pape proclame une sainte aux parts d’ombre controversées”, écrit-il. Bonté, générosité, altruisme : autant de qualités qui viennent en tête lorsqu’on pense à Mère Teresa. Et qui font dire : “Je ne suis pas Mère Teresa” à ceux qui admettent leurs imperfections. Pourtant, la figure de Mère Teresa recèle aussi des parts d’ombre qui ont égratigné son mythe. Il y a sa vision ultraréactionnaire et fondamentaliste sur les thèmes de société… En 1994, elle avait ainsi déclaré : “La plus grande menace pour la paix aujourd’hui, c’est l’avortement, parce qu’il s’agit d’une guerre contre l’enfant, du meurtre direct d’un enfant innocent, d’un meurtre par la mère elle-même”. Comme le note TÉMOIGNAGE CHRÉTIEN, Mère Teresa avait une vision “en retard sur les textes officiels de l’Église”, notamment sur la question de la sexualité. Mais elle a aussi été critiquée pour ses velléités prosélytes, accusée par certains en Inde d’avoir voulu convertir ceux qu’elle aidait. D’autres ont dénoncé ses liens avec l’Opus Dei, de même qu’avec le dictateur haïtien Jean-Claude Duvalier. Et puis il y a ceux qui l’accusent d’avoir glorifié la souffrance des miséreux auxquels elle portait assistance… Manque d’hygiène, manque de soin : elle ne leur donnait que de l’aspirine et des vitamines. Elle disait qu’elle les admirait de “ souffrir comme le Christ” ».
Je confirme tout cela, mais Pommier et les journaux qu’il cite ont oublié ceci :
- la pseudo-sainte ramassait des sommes d’argent considérables, mais s’en servait à des fins personnelles : de santé chancelante, elle sillonnait le monde pour se faire soigner dans les meilleures cliniques ;
- la dame a reçu un don d’un million de dollars de la part d’un escroc, Charles H. Keating, qui avait volé leurs économies, neuf cent mille dollars, à des pauvres, dix-sept personnes qui cotisaient à la « Caisse d’épargne Lincoln » qu’il gérait en Californie. Ces dix-sept personnes avaient été mandatées par les autres victimes, qui étaient dix-sept mille et avait été escroquées de 252 millions de dollars. Keating a été condamné par le tribunal que présidait Lance Ito, et Paul Turkey, assistant du procureur de Los Angeles, a écrit à la « mère » pour la prier de rendre l’argent. Elle n’en a rien fait et a prétendu par écrit qu’elle ne connaissait rien aux activités de Keating... alors qu’elle avait écrit au juge pour prendre sa défense (j’ai la photocopie de sa réponse) ;
- cette Albanaise vivant en Inde s’est rendu en Irlande, pays qui ne la touchait en rien, afin de manifester contre le projet gouvernemental de faire valider par référendum le divorce jusque là interdit. Les Irlandais ne l’ont d’ailleurs pas suivie et ont adopté le divorce ;
- elle ne copinait pas seulement avec le dictateur Jean-Claude Duvalier, dit « Bébé Doc » en référence à son père François Duvalier, qui faisait assassiner par ses Tontons Macoutes tous ceux qui le gênaient ; elle a aussi déposé une gerbe de fleurs sur la tombe d’Enver Hodja, autre dictateur, mais communiste celui-là, qui avait transformé l’Albanie en un enfer où les étrangers ne pénétraient pas, situé politiquement à mi-chemin entre la Chine et Cuba ;
- n’ayant aucune connaissance médicale, elle ne soignait pas les malheureux admis dans ses mouroirs, leur refusait tout médicament antidouleur, et leur prêchait que souffrir était « un don de Dieu ». Au mieux, elle leur donnait de l’aspirine, qui est un médicament aujourd’hui plutôt contesté, car dangereux (je vais y revenir dans un autre article).