Qui a envoyé les harkis à la mort ?
Aujourd’hui, c’était la journée consacrée aux harkis, ces supplétifs musulmans que l’armée française avait recrutés pour combattre le FLN pendant la guerre d’Algérie, avec la promesse solennelle de les rapatrier en France une fois la guerre terminée, et qu’elle a ensuite largués, bien malgré elle, sitôt les accords de cessez-le-feu (un peu bidons, et jamais respectés par les Algériens) signés à Évian le 19 mars 1962.
Je n’ai pas été surpris : tant les radio-télés que François Hollande, tout le monde a été d’une exquise discrétion sur les responsabilités de cet abandon, qui a déclenché des massacres commis sur les malheureux laissés à leur sort, et qu’on avait préalablement désarmés, comme la totalité des soldats français, qui n’avaient dès lors plus le droit de défendre en Algérie les gens en danger. J’ai bien tendu l’oreille, ce matin, et je n’ai entendu que des propos dans le style « les responsabilités de la France » ou des « gouvernements français ». Personne n’a nommé le grand responsable de ces atrocités, qui, de Paris, avait ordonné l’abandon des combattants musulmans, et menacé de sanctions les chefs militaires qui s’aviseraient de ramener en métropole, comme on le leur avait fait jurer, les pauvres gars que jusque là on avait utilisés. Il y eut des dizaines de milliers d’exécutions, dans des conditions atroces : yeux crevés, langues coupées, émasculations, victimes arrosées d’essence auxquelles on mettait le feu, et autres crimes, dont aucun n’a été sanctionné, puisqu’il n’existait plus aucune autorité pour les poursuivre. Les survivants, installés en France, n’ont échappé à la mort que grâce à des chefs militaires courageux, qui avaient désobéi aux ordres et trompé les gendarmes, lesquels, dans les ports et les gares, étaient chargés de repérer ceux qui passaient entre les mailles.
Donc, il s’agit de ne pas tourner autour du pot : les seuls et uniques responsables de ces horreurs s’appelaient, en Algérie, Ahmed Ben Bella, nouveau président algérien (installé à la suite d’un coup d’État qui renversa le président légal, Ahmed Ben Kheddah), et, en France, Charles De Gaulle. Vous avez entendu ces noms-là, aujourd’hui ?
Mais, chez nous, on en saurait dire le moindre mot qui entacherait la réputation du « plus grand des Français », comme les sondages bien orientés font dire à nos compatriotes. Dans d’autres pays, il aurait connu l’indignité nationale. Chez nous, on lui élève des statues.