Colonisation - Les langues ivoiriennes

Publié le par Yves-André Samère

J’avais promis d’aborder la question des langues en Côte d’Ivoire, en vue de montrer que la colonisation n’avait pas été QUE néfaste en Afrique. Voici donc quelques éléments.

La Côte d’Ivoire est un pays de taille moyenne, dont la surface est approximativement les trois-cinquièmes de celle de la France métropolitaine, et qui a été créée assez artifiellement, à une époque où l’on ne se souciait guère de l’origine ethnique des natifs du pays. Il s’ensuit que la population est extrêmement mêlée, et que l’on compte dans le pays au moins soixante langues différentes – quoique certains spécialistes affirment qu’il en existe bien davantage, et jusqu’à soixante-dix, voire plus. De sorte que, bien souvent, d’un village à un autre pourtant voisin, on ne se comprend pas ! Vous imaginez combien cet état de fait favorise la cohésion nationale...

Naturellement, toutes ces langues (et ces dialectes, dans bien des cas) n’ont pas la même importance, et certaines sont davantage parlées et comprises que les autres, d’autant plus qu’elles sont très rarement écrites et qu’il n’existe pas d’écoles de langues locales, faute d’effectifs suffisants. On distingue en gros et dans l’ordre d’importance le baoulé, qui était la langue d’Houphouët-Boigny (14,8 %), le sénoufo (8,7 %), le yacouba, parlé dans l’ouest (5,5%), l’agni (4,2 %), l’attié (2,6 %), le guéré (2,2 %), le bété (1,9 %), le dioula (1,2 %), l’abé (1,1 %) et le mahou (1,1 %). Toutes les autres langues sont au-dessous de 1 %.

À la télévision, émise depuis Abidjan, seule ville importante du pays (et ancienne capitale jusqu’à ce qu’un homme politique courtisan, le propre maire d’Abidjan, propose de faire de Yamoussoukro, village natal du président, la capitale politique du pays), on réservait donc une demi-heure, chaque soir, avant le Journal Télévisé, où les informations étaient diffusées dans les six premières langues parlées et comprises. Mais cela ne résolvait pas le principal problème : avoir UNE langue nationale.

Vous devinez la suite : on a choisi le français ! Attendez avant de hurler au colonialisme, ce fut une décision présidentielle ivoirienne. Sans cela, comment faire fonctionner les services gouvernementaux, et qu’enseigner dans les écoles ?

Aujourd’hui, ici et comme dans la plupart des autres pays africains, le français est la langue officielle et « véhiculaire », comme on dit, tous les enfants scolarisés le parlent, et l’emploient parfois dans leurs familles. Mais il faut reconnaître que ce français est loin d’être parfait, car il est concurrencé par une sorte de pigdin appelé « français populaire ivoirien », et par le « nouchi », qui est le français « de la rue », l’argot, si vous préférez, dont je parie que vous n’y comprendriez goutte. Et je sais, pour avoir été assez longtemps en contact avec des jeunes Ivoiriens, qu’ils parlent et écrivent un charabia qui ferait horreur à Voltaire. Mais c’est irréversible, et, après tout, en France, nous avons aussi notre charabia.

Comme radote Alain Rey, la langue doit évoluer.

Écrire ci-dessous une ânerie quelconque :

D
Notre pays a mis quand même pas mal de temps pour imposer le français : cela a commencé par l'ordonnance de Villers Cauterets sous François 1er qui impose le français pour les actes officiels (avant, c'était une sorte de latin de cuisine). Ensuite... cela dépendait des milieux sociaux, mais ce n'était pas gagné, entre le Breton, le Basque, les divers patois occitans, l'Alsacien et autres dialectes. Bref. L'école obligatoire et le service militaire ont beaucoup œuvré en ce sens. Pas toujours au point : je me souviens d'une réflexion d'un gamin de l'Ile d'Yeu à propos d'un natif de Carcassonne doté d'un fort accent du Midi "mais il parl' pô français".
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Y
Je retiens qu’il faudrait rendre l’école obligatoire.