De Gaulle et Pierre Dac
François Hollande, à défaut d’autre chose, nous laissera le souvenir d’un président qui maniait constamment l’humour, et je ne serais pas étonné qu’à la rentrée de septembre, on lui attribue une chronique hebdomadaire sur France Inter, à neuf heures moins cinq. Je verrais bien cela le mercredi, en souvenir du Conseil des ministres. Ou, si toutes les cases sont prises, il pourrait remplacer de temps à autre et au pied levé le cher Albert Algoud, les jours où, un peu indisposé comme en ce moment, il ne peut assurer son duo avec Daniel Morin dans La bande originale.
Aucun de ses prédécesseurs à la tête de l’État n’a manifesté la moindre prédisposition dans ce domaine, et le pire me semble avoir été Charles De Gaulle, dont le seul trait d’humour, en onze ans de présidence, a été de faire allusion, pour viser ses opposants lors de Mai-68, à un film récent de Michel Audiard, quand il a dit que « les canards sauvages se prenaient alors pour les enfants du Bon Dieu ». Ouarf !
En fait, De Gaulle, non seulement ne pratiquait pas l’autodérision, mais était capable de se comporter en affreux ingrat. Témoin son comportement envers Pierre Dac.
Durant l’Occupation de la France par les nazis, Pierre Dac, humoriste fort connu, se trouvait à Londres, aux côtés de De Gaulle, et il tenait à la BBC des propos incendiaires contre l’occupant et contre les collabos. La voix de la Résistance française, c’était lui ! Donc De Gaulle lui devait une partie de sa popularité.
Or, en 1965, Pierre Dac, qui avait repris avec succès son métier d’humoriste, décida, seize ans avant Coluche, de se présenter à l’élection présidentielle de décembre, où De Gaulle devait affronter, entre autres, Mitterrand et Jean-Louis Tixier-Vignancour, célèbre avocat d’extrême-droite, qui avait sauvé la tête du général Salan. Pour cela, Dac avait fondé un parti, le Mouvement Ondulatoire Unifié – le MOU. Et il tint une conférence de presse pour annoncer l’évènement. Bien entendu, c’était une bonne blague, et tous les Français, qui le connaissaient et l’aimaient bien, comprirent et s’esclaffèrent. Tous ? Non ! Seul à résister encore et toujours à l’esprit populaire, le locataire de l’Élysée lui fit téléphoner, pour lui ordonner d’arrêter de se moquer des sacro-saintes institutions, que le grand Général avait « sauvées », comme on sait.
Docile et respectueux, Pierre Dac s’exécuta.
Quel dommage que Coluche, à cette date, était encore inconnu ! Lui n’aurait peut-être pas courbé l’échine aussi facilement.