Si...
Non, mon titre m’ambitionne pas de pasticher le poème de Kipling, qui m’avait valu quelques sarcasmes quand je l’avais naguère affiché au-dessus de ma table de travail. Ici, je vise la politique française.
Si j’avais vécu en 1940, je n’aurais pas eu à choisir de voter entre Pétain et De Gaulle, puisqu’on ne votait pas, à l’époque, pour élire les chefs d’État. Mais comme je hais (rétrospectivement) tout ce qu’incarnait Pétain, j’aurais bien sûr, le cas échéant, penché du côté de De Gaulle.
Si j’avais dû voter en 1958, alors qu’on n’élisait pas un président de la République (c’était un référendum pour choisir une nouvelle Constitution, avec un président fourni en prime et sans autre choix possible – première imposture), j’aurais peut-être voté Oui. Peut-être.
Si j’avais voté en 1965, je n’aurais pas donné ma voix à De Gaulle, car on avait vu, depuis le 8 janvier 1959, de quelle manière il tenait ses promesses, et comment il donnait tous les pouvoirs à la police et à des malfrats comme René Tomasini, Alexandre Sanguinetti ou Jacques Foccart, et comment il n’avait rien fait pour empêcher les méfaits du S.A.C. : violences, chantages, rackets (et, plus tard, l’assassinat d’un enfant de sept ans, Alexandre, le 19 juillet 1981 à Auriol, à coups de tisonnier puis de couteau). L’imposture était devenue flagrante.
Si j’avais voté en 1969, je me serais méfié de Pompidou, et j’aurais préféré Alain Poher, qui était un modéré sans être un homme faible : on avait vu comment il avait viré Foccart le gangster, le seul homme de France qui voyait De Gaulle chaque jour et qui avait la haute main sur les barbouzes et sur les « affaires » africaines.
Si j’avais voté en 1974, je ne l’aurais pas fait en faveur de Giscard, qui avait ignoblement, pour abattre son ennemi Chaban-Delmas, refilé au « Canard enchaîné » la feuille d’impôts de ce Premier ministre... lequel n’avait rien à se reprocher (eh oui, je peux dire du bien d’un gaulliste). Une des plus belles saloperies commises par le journal satirique, qui avait fait campagne sans se poser aucune question.
Si j’avais voté en 1981, j’aurais voté pour Mitterrand, bien que sachant pertinemment que cet homme était foncièrement malhonnête, mais il fallait bien se débarrasser de Giscard, pour ses relations répugnantes avec Bokassa... entre autres ! Déjà, le vote utile. Et si j’avais dû voter en 1988 pour le réélire, cette fois, après les ignominies du genre Irlandais de Vincennes, je me serais abstenu.
Si j’avais dû voter en 1995, je me serais encore abstenu, car tous les candidats, Chirac en tête, me déplaisaient.
Et lorsque j’ai voté en 2002, j’ai donné ma voix à Jospin, ce qui n’a servi à rien, puisque Christiane Taubira et Jean-Pierre Chevènement ont détourné, bien inutilement, les votes qui lui étaient indispensables.
Comment je voterai cette année, et pour un candidat qui ne me plaît pas du tout, je l’ai déjà écrit. C’est irréversible, probablement.