Poulet fatal
Des charlots auxquels on confie officiellement une tâche de haute technicité, on n’en trouve pas seulement en France ; au Royaume-Uni aussi. Témoin cette petite histoire que je tiens d’Henri Broch, professeur de physique et directeur du laboratoire de zététique à l’université de Nice-Sophia-Antipolis. Je précise que la zététique, fondée en tant que discipline pédagogique en 1998 par Broch, c’est l’étude rationnelle des phénomènes présentés comme paranormaux, des pseudosciences, et des thérapies abracadabrantesques, comme on dit dans les milieux cultivés – donc, pas ici. Et ce mot, au contraire de ce qu’on pourrait croire, n’est pas nouveau, car il existait déjà au dix-septième siècle.
Aux États-Unis, il y a une administration aéronautique fédérale (la FAA, c’est-à-dire la Federal Aviation Administration, qui s’occupe uniquement de l’aviation civile), chargée entre autres de tester les avions. Et, afin de vérifier la résistance des pare-brises équipant les cockpits de ses avions, elle avait mis au point un pistolet qui... lançait des poulets morts. Cet engin avait donc pour mission de propulser des poulets sur les pare-brises, à la vitesse d’un avion en plein vol. Si le pare-brise résistait au choc, cela signifierait qu’il résisterait sans dommage en cas de percussion avec un oiseau, genre d’accident qui arrive plus souvent qu’on le croit.
Ce fabuleux gadget a tenté des ingénieurs anglais, qui ont décidé de vérifier la solidité du pare-brise d’une nouvelle locomotive pour un train à grande vitesse, qu’ils étaient en train de mettre au point. On a donc lancé un poulet défunt sur ladite locomotive.
Hélas, le poulet a fait éclater le pare-brise, pulvérisé le tableau de bord de la locomotive, détruit le siège du pilote, avant de s’encastrer en fin de course dans la paroi, au fond de la cabine de pilotage !
Interloqués, les ingénieurs anglais ont communiqué tous les éléments de leur expérience à la FAA, afin d’en savoir un peu plus. Et la FAA, après avoir rapidement examiné les conditions du test, a répondu par cette recommandation : « Décongelez le poulet ! »