« Commémorons n’importe quoi »
Mon titre était celui donné à la soirée d’hier, qui commémorait à Radio France le trentième anniversaire de la mort (par cancer de la gorge) de Pierre Desproges : en effet, la soirée, terminée avec dix-sept minutes de retard – on n’en pouvait plus – était décevante.
Dans l’immense Studio 104 (852 places), après une courte citation du Tribunal des Flagrants Délires, dans laquelle on n’avait retenu que le premier tiers du Réquisitoire contre Jean-Marie Le Pen, afin de caser la fameuse maxime, entendue sans arrêt depuis septembre 1982, « Peut-on rire de tout ? », on avait fait appel au trio d’humoristes belges pour reconstituer péniblement une audience du Tribunal des Flagrants Délires, dans laquelle l’accusé était... Desproges lui-même, défendu par Alex Vizorek et attaqué par Guillaume Meurice, tandis que le président était Charline Vanhoenacker. Aucun n’était brillant, car ces trois-là ne sont bons que sur une durée très courte, comme dans leur émission de chaque après-midi, Par Jupiter. Histoire de fignoler, on avait aussi fait venir Luis Rego, ex-« avocat le plus bas d’Inter » comme témoin, et il avait feint de croire que c’était lui que Desproges attaquait naguère – alors qu’ils étaient les meilleurs amis du monde, et qu’entre eux régnait une belle complicité. Le tout, pas très drôle, était truffé de chansons sans intérêt. Seule une interview enregistrée de Claude Villers rappelait un peu le vrai Tribunal, mais Villers, qui s’est retiré de France Inter pour raison de santé, n’était, de toute évidence, pas en grande forme, et c’était assez triste.
L’autre erreur de ce programme consistait en ce qu’on avait voulu diffuser des textes de Desproges lui-même, un long poème abscons et deux chansons lugubres, interprétés par des inconnus. Mieux valait retourner sur YouTube et revisionner quelques-uns des soixante-sept Réquisitoires de l’artiste (plus neuf enregistrements intégraux du Tribunal), lesquels, au moins, ne donnaient pas dans la sinistrose.
Dans dix ans, pour la commémoration du quarantième anniversaire, je resterai chez moi, comme hier soir.