“Fahrenheit 451”, version « dépoussiérée »
La plus ridicule adaptation à l’écran d’un roman célèbre sera certainement celle de Fahrenheit 451, qui passera dimanche soir sur la chaîne de télévision OCS City, à 20 heures 40. Vous connaissez probablement l’histoire, qui se passe dans un futur proche, où posséder et lire des livres est devenu une activité interdite. Si bien que les pompiers sont chargés, non pas d’éteindre les incendies, mais de les allumer en brûlant les objets censurés ! Dans le film qu’en avait tiré François Truffaut en 1966, un petit garçon anglais, joué par Mark Lester (qui jouera plus tard Oliver Twist dans le célèbre Oliver! de Carol Reed), voit passer la voiture des pompiers, et s’écrit « Regarde, maman, les pompiers. Il va y avoir le feu ! ».
Bien, j’admets volontiers que le film de Truffaut, adapté du livre de Ray Bradbury, est un peu raté, malgré la musique de Bernard Hermann, le plus grand compositeur de l’histoire du cinéma, qui a commencé avec Citizen Kane et a terminé avec Taxi driver, en passant par Psychose et Vertigo. Néanmoins, le film possédait un côté original : puisqu’il y était question d’une interdiction des textes écrits, il n’y avait pas de générique écrit, et le texte en était seulement dit ! Mais celui qui passera dimanche à la télé a reçu une modification qui le condamne par avance : on a décidé que, puisque aujourd’hui les livres sont très souvent électroniques – j’en sais quelque chose ! –, ils seront remplacés dans cette histoire par... des disques durs et des serveurs, comme celui de Bati Houman sur Facebook. C’est évidemment stupide, mais on ne peut pas empêcher les tâcherons de l’usine à films d’Hollywood (ou plutôt, dans le cas présent, de Toronto, le nouvel Hollywood) de vouloir « dépoussiérer », comme ils disent, tout ce qu’on a fait avant eux.
Le réalisateur, Ramin Bahrani, est quasiment inconnu, et un seul de ses films a été présenté en 2015 au Festival de Deauville. Aucun acteur d’importance n’a jamais joué dans un de ses films, qui n’ont pas remporté le moindre prix, où que ce soit. Son Fahrenheit 451 n’a reçu qu’une seule étoile sur dix, attribuée par un spectateur qui l’a estimé « honteux ».
En somme, au cimetière Montmartre où il dort depuis 1984 – 21e division –, Truffaut peut dormir sur ses deux oreilles.