Présidents inefficaces, menteurs et malhonnêtes
Le scandale, provoqué en ce moment par un voyou que Macron avait engagé à son service, n’est pas le premier, et ne sera probablement pas le dernier. On peut en recenser bien d’autres, et sous toutes les présidences de la Cinquième République. Remontons le temps.
Sous Hollande, nous avons eu des ministres malhonnêtes, comme Cahuzac. Mais ici, tempérons : Cahuzac n’a rien volé, il a seulement dissimulé au fisc ses comptes bancaires ouverts dans des pays étrangers. Et menti, bien entendu, mais un coupable qui se proclame innocent est un grand classique.
Sous Sarkozy, c’est un peu plus corsé : il a bien, comme Macron, engagé des incapables, mais lui-même se comportait simplement comme un acteur exhibitionniste toujours en représentation, et un malade mental, mais qui ne commettait aucune saloperie.
Chirac, lui, était un profiteur qui avait fait adopter – et valider par le Conseil Constitutionnel – un texte de loi interdisant de traduire le président devant un tribunal pendant son mandat, ce qui sous-entendait que le titulaire du poste pourrait bien, lui, s’arranger légalement avec la morale. En somme, il ne violait pas la loi, il l’adaptait à sa convenance. Mais il n’était pas le premier.
Mitterrand est coupable de deux énormes irrégularités : il a monté une cellule destinée à protéger le secret de sa fille adultérine, lui a laissé faire tout ce qu’elle voulait, y compris fabriquer de fausses preuves pour accuser de terrorisme les fameux « Irlandais de Vincennes », ce qui permit de jeter en prison ces parfaits innocents, où ils restèrent neuf mois. De même, se conduisant en vieux cochon, il a fait placer sur écoutes des centaines de personnalités, et, le scandale ayant éclaté, il a laissé la justice inculper un malheureux capitaine de gendarmerie qui n’avait été qu’un exécutant, lequel capitaine se suicida. Et puis, malhonnêteté inexplicable, il a invité l’assassin Hissène Habré (lire plus bas) dans la tribune officielle lors du 14 juillet 1987.
Giscard était aussi un profiteur, qui n’a pas beaucoup hésité à manipuler une délégation d’observateurs africains chargés de décider si Bokassa, devenu son ennemi intime à la suite d’une affaire de sexe, était un assassin d’« enfants » – d’étudiants, en réalité. Ce jury avait innocenté Bokassa, mais ses membres, avant de retourner dans leurs pays respectifs, avaient dû faire une escale à Paris, au cours de laquelle le président français les obligea, ne me demandez pas comment, à modifier leur verdict afin de le déclarer assassin. Quelques mois plus tard, Giscard envoya sa Légion pour empêcher Bokassa de rentrer dans son pays, ce qui provoqua la déchéance légale du potentat africain. Giscard commit d’autres magouilles, comme de faire arrêter le journaliste Roger Delpey, qui avait écrit un livre, La manipulation, racontant tout cela, et fit jeter en prison le cinéaste et photographe Raymond Depardon, pour avoir ramené du Tchad une vidéo d’interview de Françoise Claustre, qui s’y plaignait d’avoir été abandonnée par son pays à la suite de son enlèvement par les rebelles tchadiens, commandés par Hissène Habré.
Pompidou, lui, était plutôt honnête, mais il avait des goûts désastreux en matière d’écologie, et massacra allègrement Paris en proclamant que la capitale devait s’adapter à la voiture. Si bien que la voie express la plus longue de la ville, qui mesurait treize kilomètres, qu’il fit aménager sur la rive droite à partir de 1966, et qui porta son nom jusqu’en 2016, devint l’autoroute urbaine la plus longue de France.
De Gaulle enfin, commit de nombreuses mauvaises actions, dont le fait d’avoir fait fabriquer une loi d’amnistie pour blanchir le secrétaire général du parti qu’il avait créé, et qui avait été condamné en justice pour carambouille. Mais la pire, après avoir promis aux Français d’Algérie qu’ils n’auraient jamais à quitter leur pays, fut, lorsque l’Indépendance de ce pays fut acceptée par les Français au moyen d’un référendum truqué, d’interdire aux chefs de son armée le rapatriement des Algériens musulmans auxquels on avait juré qu’on ne les abandonnerait pas en Algérie. Il envoya même les forces de l’ordre, dans les ports et dans les gares, afin de vérifier que les harkis, puisque c’était leur nom, ne débarqueraient pas en métropole. Ceux qui ne purent gagner la France furent massacrés par leurs compatriotes, et il y eut au moins quarante mille morts.