Et si nous faisions une belote ?
Et si, pour une fois, je faisais l’éloge de quelqu’un ? Étonnement de votre part ! Il s’agit de Marcel Gaucher, historien, qui vient de publier son livre Robespierre, l’homme qui nous divise le plus, que je n’ai pas lu et dont ainsi je ne dirai rien.
Non, ce qui m’intéresse, c’est que cet homme très cultivé, invité aujourd’hui sur France Inter pour en parler, a fait le contraire de ces innombrables cancres qui profitent de leur passage à la radio pour y essaimer des fautes de français, que d’autres ignares s’empresseront d’imiter et par conséquent de perpétuer. Or il a prononcé correctement le verbe aiguiser, ce que jamais je n’avais entendu de ma vie. Si vous me lisez, vous savez que j’ai rapporté ce que tout le monde devrait savoir mais s’obstine à ignorer : que le U de ce verbe doit s’entendre, pour la simple raison qu’il possède la même origine que le nom aiguille ! Ce pour quoi on devrait surmonter cette lettre U d’un tréma soulignant qu’elle n’est pas muette.
Gaucher rejoint ainsi, dans mon Panthéon personnel, le journaliste suisse Frédéric Charles, en poste au Japon, le seul à prononcer correctement le nom kamikaze, que tout le monde massacre en le prononçant « kamikaz’ » (on doit faire entendre la lettre finale, qui n’est PAS un E muet), ou l’animateur Stéphane Bern, qui a prouvé sa connaissance du verbe arguer, lequel ne rime pas avec reggae ou pagaie, notion que l’Académicienne Marguerite Yourcenar ignorait puisqu’elle a commis la faute dans son propre discours d’admission sous la Coupole, attendu que, là encore, le U doit se faire entendre, si l’on ne veut pas le confondre avec cet autre verbe arguer qui signifie se servir d’une argue, cet outil de bijoutier permettant de réduire le diamètre d’un fil d’or ou d’argent. Ce que, pratiquement, nul ne semble savoir.
Le jour où Bern entrera à son tour à l’Académie, j’espère qu’il nous invitera, Marcel Gauchet, Frédéric Charles et moi, au McDo le plus proche de chez lui, rue des Martyrs. Nous sommes tous des gens simples.