Théâtre classique, mais agonisant
J’aime beaucoup le théâtre classique. J’ai vu quatre fois Tartuffe en scène, plus, à la télévision, le film qu’en avait tiré Depardieu ; trois fois Cyrano de Bergerac ; quatre fois La dame de chez Maxim (attention : pas « de chez Maxim’s », comme disent ou écrivent les ignares, ceux qui ignorent que Maxim’s signifie DÉJÀ « Chez Maxim »), autant de fois L’avare, et ainsi de suite. Et, à condition que la mise en scène respecte les indications et les intentions de l’auteur, je me régale et ne chipote pas.
Mais ça, c’était avant, comme on dit. Aujourd’hui, où les metteurs en scène sont tous plus intelligents que ces crétins d’écrivains qui ne comprennent rien à leurs propres écrits, on jette au panier les idées de l’auteur, et on dépoussière les textes, les auteurs, comme on sait, générant surtout de la poussière, selon le catéchisme actuel.
Bref, le théâtre est tombé entre les pattes des prophètes de l’avant-garde : on habille Alceste en smoking (adieu les fameux rubans verts !) ; Arnolphe est interprété par un gaillard de vingt-cinq ans qui passe son temps à porter ses domestiques sur son dos ; Madame Petypon est plus jeune et plus jolie que la Môme Crevette ; Figaro dit son monologue, assis au bord de la scène et les pieds qui pendent dans la fosse d’orchestre ; Célimène, à moitié dépoitraillée, se vautre sur une table ; le sénateur de Caligula est joué par une femme qui avait précédemment tenu le rôle de la même Môme Crevette, et les jeunes Romains arrivent en scène à moto, en fumant des cigarettes ; Bousin, dans Un fil à la patte, se suicide en se jetant dans une cage d’escalier ; Horace est un avorton qui se roule par terre en poussant de petits cris ; Cyrano vole au-dessus de la scène, soutenu par des câbles ; et tout à l’avenant.
Dans ces conditions, j’ai renoncé au théâtre et ne vois plus que des films. Même médiocres ou ratés, au moins, ceux-là ne sabotent pas des œuvres qui existaient précédemment. S’ils sont ratés, le public les boude, et ils disparaissent très vite dans le placard le plus proche. Bon débarras !