Vrais prodiges
Grosse bêtise, hier soir, pour sa rentrée après l’interruption des « fêtes », de la part de Yann Barthès, qui a cru opportun d’inviter le héros d’un buzz commençant à dater, le jeune Mourad Yssouf, qu’une vidéo publiée il y a deux semaines sur le site du « Figaro » a eu la malencontreuse idée de qualifier de « prodige ». Ce garçon marseillais de quatorze ans s’exerce au piano dans un hôpital de sa ville, et la vidéo en question le montre (et surtout le fait entendre, hélas) massacrant la Fantaisie Impromptu de Chopin, œuvre ultra-connue et qui ne méritait pas un tel traitement. Mais, visiblement, pour Barthès et son équipe, il ne fallait pas laisser passer une telle occasion de se raccrocher aux branches.
Mourad, dont on avait dit qu’il ambitionnait de devenir professeur de piano, a démenti en déclarant que son ambition est de devenir pianiste de jazz (cri du cœur de l’autre invité dans l’émission, Gérard Darmon, qui lui balance une gentille vacherie : « Mais pour ça, il faut savoir jouer du piano », résumant les faits : Mourad ne sait pas jouer du piano, ce que ses admirateurs n’ont pas vu). La vérité est que ce garçon, auquel on demande de jouer sur le Steinway de l’émission, rejoue à la note près ce qu’on entendait dans la fameuse vidéo, quelques bribes, vite abandonnées, du morceau de Chopin, mélangées à un salmigondis de fausses notes surgies de nulle part, le tout restant inécoutable. Il ne sait rien jouer d’autre ?
Passons. Des prodiges du même âge ou même plus jeunes, je vous en ai cité plusieurs, Lucas, Isaac, qui savent vraiment jouer du piano et le font très bien. Et puis, hier, j’en ai découvert d’autres sur Youtube. Je vous propose le jeune Alexandre Malofeev, dix-sept ans, célèbre en Russie, et deux de ses interprétations particulièrement magistrales, le Deuxième Concerto de Saint-Saens, joué au Conservatoire de Moscou alors qu’il n’avait pas encore quatorze ans, et la redoutable Deuxième Rapsodie de Liszt, jouée au même endroit, alors qu’il avait moins de treize ans. Pour ce dernier morceau, il joue avec une telle puissance, quasiment poutinienne, qu’on jurerait qu’il veut casser le piano ! Et, le même jour, il interprète la Onzième étude de Chopin, qui est d’une rapidité folle. Savourez. Et, le 31janvier prochain, il jouera à Paris, à la Fondation Louis-Vuitton. Programme ICI.