Déchéance du « Canard »
Tout au long de son histoire, qui a duré plus d’un siècle, « Le Canard enchaîné » a compté parmi ses rédacteurs des écrivains authentiques : Sorj Chalandon, toujours présent, Bernard Thomas, Yvan Audouard, Alexandre Breffort, Henri Jeanson, Pierre Combescot, André Ribaud, Jean Clémentin, Roland Bacri, Henri Barbusse, Roland Dorgelès, Pierre Châtelain-Tailhade, et j’en oublie.
Mais il semble que ce soit bien fini. Tous sont morts ou ont pris leur retraite, et « Le Canard » ne compte plus que des tâcherons sans style, même si certains sont de bons journalistes. Mais un bon journaliste n’est pas forcément un écrivain ! Il peut être un individu qui suit la pente actuelle, se plie aux modes, et... ne remarque seulement pas les fautes de français qu’il commet.
Ainsi, dans le numéro paru hier, je trouve la même imbécillité dans deux colonnes voisines de la page 2, celle des potins politiques. Son rédacteur, qui ne signe jamais, doit éprouver la peur de perdre des lecteurs, et leur donne satisfaction en abrégeant les mots et expressions. Si bien que, sous sa plume (comme on ne dit plus), le Conseil constitutionnel devient « Le Conseil constit’ ». De même que les circonscriptions sont réduites à une simple « circo ». Bref, ne pas oublier de draguer les gens pressés en radotant comme eux le font. Dans le même numéro, mais en page 6 et sous le titre Casse auto, Didier Hassoux, en deuxième colonne, utilise le célèbre et fâcheux « Celles et ceux », mis à la mode par le présiblique de la Répudent, et qui s’est répandu chez les sots comme une traînée de poudre. Mais on n’arrête pas la machine Hassoux !
« Le Canard » a été longtemps un journal bien écrit, car ceux qui ont su le maintenir en vie aimaient la langue française et savaient la pratiquer. Mais les rédacteurs actuels n’ont même pas conscience qu’ils n’ont plus ce talent.