Natacha Polony m’écrit
Trouvé ce matin dans ma boîte aux lettres (la vraie, celle de la Poste, pas un message électronique) une véritable bafouille, écrite sur du papier, avec de la couleur partout – une longue lettre de Natacha Polony, sur deux pages. Elle s’inquiète de mon silence, figurez-vous, mais tient à ne pas m’inquiéter, puisqu’elle prend la précaution de me dire que, je cite, « sauf si nos courriers se sont croisés, nous sommes sans nouvelles de [ma] part », et qu’elle a « pourtant un message important pour [moi] ».
Quand je songe à l’inquiétude de cette pauvre femme, mon cœur se serre, et j’ai un peu de remords. Pas beaucoup, car ce doit être une nouvelle erreur de la Poste, qui aura égaré mon courrier. Quoique... un détail m’étonne : je n’ai jamais écrit à Natacha, donc il est très peu probable qu’une de mes lettres se soit égarée. Mais alors, qu’est-ce qui provoque ce cri d’alarme ?
Le message important qu’elle avait pour moi, c’est ceci : je devrais au plus tôt m’abonner au journal dont elle vient de prendre la direction, l’hebdomadaire « Marianne ». Ça urge, car le PDG de ce canard, Yves de Chaisemartin, qui était en poste depuis 2014, a démissionné lorsque Natacha Polony est arrivée à la tête de la rédaction de « Marianne », hebdomadaire jadis fondé par Jean-François Kahn. Or cet honnête homme (Chaisemartin, pas Kahn) avait longtemps appartenu à la presse Hersant, du nom de cette canaille, Robert Hersant, de son vivant tête de Turc du « Canard enchaîné », et qui avait longtemps été, successivement, socialiste, puis fasciste, puis antijuif, et avait même fondé « Jeune front », un groupuscule néonazi, lequel distribuait un journal antijuif, « Le pilori », subventionné par les nazis pendant la guerre. Du beau monde, donc.
Bref, Chaise-à-porteur, irrité par l’arrivée de la rousse incendiaire à la tête de la rédaction, a démissionné de « Marianne ».
Néanmoins, je ne donne pas suite à cette offre de m’abonner à « Marianne », pour un prix dont la modicité devrait vous faire envie si vous étiez un ami de Natacha : 1,92 euros par semaine au lieu de 4 euros (je vous rappelle que « Le Canard » est vendu 1,20 euros depuis 2002, seul journal français ayant baissé son prix, puisque, avant la création de l’euro, il coûtait 8 francs, soit 1,22 euros). Je ne ferai qu’une seule remarque : cette opération de retape de la part d’une journaliste incarnant l’intégrité – comme tous ceux de sa profession – ne m’indigne en rien, car elle conforte l’opinion, évidemment excellente, que j’ai de la presse française.