« Aveugle » est un gros mot, qu’on se le dise
Le matin, sur France Inter, après le journal de huit heures, les compte-rendus des activités sportives sont annoncés et commentés par une journaliste, Laetitia Bernard, âgée de trente-quatre ans, qui est employée dans cette radio depuis dix ans, et que chaque fois le passeur de plats présente comme « non voyante ». Tout en précisant chaque fois qu’elle ne travaille pas seule, mais qu’une autre journaliste l’accompagne partout, dans ses reportages et devant le micro. Les auditeurs commencent à le savoir, mais le bavard fait chaque jour son intéressant, signe qu’il doute que les chers auditeurs écoutent France Inter.
Ah, excusez-moi, mais le réalisateur me passe dans mon oreillette un appel d’auditeur. Je réponds :
– Allô ? Alain Rey ? Ah, c’est toi, Alain ? Mais non, tu ne me déranges pas, c’est toujours un plaisir d’entendre tes commentaires à une heure où je travaille. Pardon, « où je BOSSE ». Ouais, faut respecter ton langage habituel ! Tu m’appelles pour quoi ? (Excuse-moi pour cette façon de parler, je sais bien qu’on doit dire « Pour quelle raison m’appelles-tu ? », mais les auditeurs ne pigeraient pas)
–...
– Oui, je comprends. Tu me précises que l’expression non voyante ne signifie pas que c’est une cartomancienne qui a cessé d’exercer son métier. Tu as bien fait de me le dire. Donc ce serait une personne aveugle ?
–...
– Bien, merci, je vais transmettre le tuyau à ces ploucs d’auditeurs, qui n’avaient pas compris. Allez, salut, et à la revoyure !
Donc on ne doit en aucun cas employer au micro un mot aussi vexant qu’aveugle. D’ailleurs, je ne l’avais jamais employé, je respecte les infirmes, moi.