Qu’est-ce qu’une dictature ?
La politique française menée actuellement est parfois qualifiée de « dictature ». En tout cas, elle est de moins en moins démocratique, de plus en plus monarchique, alors qu’au même moment, les véritables monarchies européennes sont, elles, des modèles de démocratie.
Mais on peut s’interroger sur le sens des mots dictateur et dictature : ont-ils toujours eu la même signification ? Par exemple, les monarchies des siècles passés, en France, étaient-elles des dictatures ? Ainsi, Louis XIV était-il un dictateur ? Connaissant sa façon de diriger la France et les infamies qu’il a commises tout au long de son règne, on peut en douter ! Néanmoins ce monarque considéré comme absolu, s’il avait beaucoup de pouvoirs, n’avait pas TOUS les pouvoirs, et on sait que les parlements provinciaux pouvaient fréquemment s’opposer à ses décisions, comme ce fut le cas lorsqu’il voulut faire condamner Nicolas Fouquet, et que les petits juges de province ont su s’y opposer.
Malgré cela, comment nier que Hitler, Franco, Mussolini, Salazar, Mao, Staline, Lénine, Enver Hoxha, Hassan II, Sékou Touré, Mobutu, Pol Pot, Idi Amin Dada, et de nombreux autres, ont été de parfaits assassins, ce qui suffit à les classer dans la catégorie des dictateurs.
Néanmoins, la signification des termes dont il est question ici a évolué, et, ô surprise ! en empirant, puisque, par exemple, ce qu’on appelait « dictateur » dans la Rome antique avait un tout autre sens. Et le meilleur exemple fut celui de Cincinnatus (nom complet : Lucius Quinctius Cincinnatus, ce surnom signifiant qu’il avait la chevelure bouclée !), et il vivait à une époque troublée de la République romaine, où la minorité patricienne, aujourd’hui, on parlerait d’aristocrates, à laquelle il appartenait, était en butte aux attaques populistes et aux pratiques démagogiques des tribuns de la plèbe (aujourd’hui, on parlerait du « populo »). Il arriva même qu’une armée composée d’esclaves et de va-nus-pieds, bannis de la cité mais conduits par le Sabin Appius Herdonius, réussisse à prendre le Capitole par surprise. Les sénateurs envoyèrent alors une délégation de patriciens à Cincinnatus, réputé pour son courage et sa sagesse, pour le prier de mater la rébellion. Il accepta de quitter sa vie paisible et son domaine, pour un temps déterminé assez court, afin de tenter le sauvetage de la République guettée par la guerre civile et l’anarchie. Il y réussit, avec le concours de son fils Céson, mais, cela fait, il retourna à son champ et à sa famille.
Il y eut une suite : ses adversaires tentèrent de traduire Céson devant un tribunal faute de pouvoir salir la réputation du père, et Céson dut s’enfuir. Hélas, sa famille avait dû verser une caution exorbitante pour lui éviter une évasion à la Carlos Ghosn, et Cincinnatus paya. Quelques années plus tard, il eut une autre proposition pour la dictature, et cette fois il l’accepta, ce qui fit échouer la nouvelle conspiration.
Cincinnatus a vécu jusqu’à l’âge de 90 ans.
Si cela vous intéresse, en cas de troubles majeurs, le Sénat romain pouvait faire nommer un dictateur par l’un des consuls en exercice, selon une condition sine qua non : le Sénat devait approuver le principe de la dictature, et le dictateur nommé, choisi parmi les anciens consuls, ne l’était que pour six mois. Après cela, il retournait à son ancienne condition.