De Gaulle, « libérateur » de Paris ?
De Gaulle a toujours soigné sa légende, et il a pleinement réussi, puisqu’il passe pour avoir « libéré » Paris. En réalité, les faits sont assez différents, car la ville de Paris aurait bien pu se libérer toute seule ! Principalement, grâce aux mutiples forces contrôlées par le Parti communiste. Or De Gaulle, pour ne pas offrir aux Rouges l’occasion de s’assurer une place de choix dans l’équilibre des forces à venir, s’est opposé à eux « par tous les moyens », comme il dira plus tard à propos des quatre généraux putschistes d’Alger.
Il faut dire que gaullistes et communistes se vouaient une haine féroce, et que le chef des premiers refusait toute négociation avec ceux qu’il voyait déjà comme une menace pour l’avenir. Or libérer Paris via une insurrection collective – ce qui était possible, mais pas souhaitable pour les gaullistes – aurait donné trop de poids aux communistes. De Gaulle a donc ordonné à ses représentants en France de s’opposer à ses adversaires sans lésiner sur les méthodes à employer. D’autant plus qu’il avait d’autres adversaires que les communistes : les États-Uniens, avec un Roosevelt qui ne pouvait pas supporter le général français, non sans raison, et qui avait tenté de trouver une autre solution, s’entendre avec Pétain tant que c’était encore possible ! Si bien que les tractations entre Vichy et Washington n’avaient jamais cessé.
Cette situation était d’autant plus paradoxale que les gaullistes, eux aussi, avaient essayé de négocier directement avec Pétain, par l’intermédiaire de l’amiral Auphan, afin d’éviter un futur régime communiste, et que Laval avait tenté de profiter de la malveillance de Washington envers De Gaulle, et envisagé une réunion de l’Assemblée afin d’élire un nouveau président français pour couper l’herbe sous le pied de De Gaulle.
Rien de tout cela n’a marché, et c’est grâce aux « Rouges » que De Gaulle a pu rentrer en triomphe à Paris, avec l’assentiment des États-Uniens, qui voulaient avant tout éviter un soulèvement populaire, avec ses conséquences fâcheuses. Et, une fois installé à Paris, De Gaulle, qui avait vite oublié à qui il devait son retour en France, prit comme première décision de dissoudre « les organismes supérieurs de commandement et les états-majors des Forces de l’intérieur existant [sic] » dans la capitale.