Anesthésistes anonymes
Avec l’anesthésiste qui m’a reçu hier après-midi, j’ai abordé un sujet qui m’intriguait depuis des lustres. Je lui ai donc demandé comment il se faisait que l’anesthésiste qui vous reçoit quelques jours avant l’opération à laquelle il participera n’est JAMAIS le même que celui qui vous endort quelques minutes après votre arrivée sur le billard. Convenez que c’est une question d’extrême importance.
Cette question a reçu l’explication suivante : les anesthésistes ne sont pas des chirurgiens, ils sont donc soumis à un autre genre de travail. Un peu comme un chauffeur de taxi n’a rien à voir avec un pilote d’avion, ou un ténor d’opéra avec un rappeur. Ils ne sont donc pas placés sur le même plan, en dépit de l’importance de ce qu’ils font. Je ne dis pas qu’ils sont rabaissés dans le degré d’importance qui leur est concédé par le chirurgien, mais, à vous que l’on opère, on ne prend même pas la peine de vous dire comment ils s’appellent ! D’ailleurs, les infirmières qui assistent le grand patron restent elles aussi parfaitement anonymes.
Je n’ai su, à aucun moment, comment se nommaient les innombrables anesthésistes qui ont eu pour mission de me plonger dans le sommeil. Je devrais peut-être leur offrir une bouteille de champagne, à titre de consolation.