Pétain contre De Gaulle
Je pense avoir mentionné le livre de Stéphane Bern, passionné d’histoire (Stéphane, pas le livre lui-même), titré Les pourquoi de l’Histoire. Or je me suis arrêté sur le chapitre 92 intitulé Pourquoi Pétain était-il populaire parmi les Poilus ?
Et, en conclusion, l’ami Bern écrit ceci : « Après la guerre (de 14-18), Pétain remarque à l’École de guerre un jeune et brillant officier, dont il fait son aide de camp : Charles de Gaulle. Partageant les mêmes conceptions stratégiques, les deux hommes deviennent des amis intimes jusqu’à leur brouille en 1938 au sujet d’un livre de De Gaulle ».
Quel livre ? Bern n’en souffle mot. Mais Stéphane écrit deux fois le nom de De Gaulle, une fois avec de, l’autre fois avec De. Hasard ? Pas ça, et pas lui !
Il se trouve que je connais la réponse au sujet de ce livre, pour l’avoir lue naguère dans un numéro spécial consacré à De Gaulle, Le Crapouillot. Voici donc l’histoire.
Des années auparavant, De Gaulle avait écrit et publié un livre sur l’armée de métier, La France et son armée (publié en 1938). Or De Gaulle avait été chargé par Pétain de rédiger un autre livre, d’après ses notes à lui, Pétain, mais celui-ci lui avait interdit de le concurrencer en littérature. Sommé de renoncer à son projet, De Gaulle refuse, la différence de point de vue éclate, et il rompt avec Pétain.
C’était donc une rivalité entre deux hommes qui s’estimaient trop eux-mêmes. Une rivalité d’hommes de lettres !
Je m’en voudrais de passer sous silence ce passage de son livre Vers l’armée de métier, où de Gaulle ne perçoit pas l’importance de l’aviation à laquelle il n’attribue qu’un rôle secondaire : « Les troupes à terre recevront de l’aviation une aide précieuse quant à leur camouflage. Les fumées épandues sur le sol du haut des airs cachent en quelques minutes de vastes surfaces du sol tandis que le bruit des machines volantes couvre celui des moteurs chenillés ». Il faudra attendre l’édition de 1944, où il fera ajouter une phrase : « Mais surtout en frappant elle-même à vue directe et profondément, l’aviation devient par excellence l’arme dont les effets foudroyants se combinent le mieux avec les vertus de rupture et d’exploitation de grandes unités mécaniques ». Après la guerre, il rajoute donc le second paragraphe ci-dessus, ce qui lui permet de sembler avoir prévu AVANT la guerre le rôle de l’aviation qui ne se révéla qu’APRÈS la guerre !
Ce n’est pas beau, de tricher...