Mots d’origine étrangère
Attendu que j’ai ferraillé contre les mots de la langue française mais sont massacrés par nos chers compatriotes, il est normal que je dise quelques mots sur la manière cavalière dont nos compatriotes usent avec les mots d’origine étrangère. Voici donc une pincée d’exemples.
- Giuseppe : ce prénom italien est systématiquement massacré en « gü-i-zèpe », au prix d’une inversion saugrenue des deux premières voyelles. Rappelons qu’en italien, le « i » après un « g » ne s’entend pas, il n’est là que pour adoucir cette dernière lettre et lui donner le son « j ». Finalement, on doit entendre « jou-zé-pé ».
- igné : à ne pas faire rimer avec niais ! Le « g » et le « n » ne fusionnent pas, ils sont dits séparément. Donc on prononce « ig’-né ». Encore une faute que Marguerite Yourcenar commit dans son discours de réception à l’Académie française. Ce n’était pas son jour...
- jungle : ce mot anglais se prononce « JON-gle », et non pas « JUN-gle ». Mais il est rare de l’entendre prononcer ainsi, même sur Arte quand la chaîne consacre une soirée à Tarzan.
- kamikaze : mot japonais. Par conséquent, un simple coup de téléphone au Consulat du Japon vous confirmera qu’il se prononce « ka-mi-ka-zé », pas « kamikaz’ » – le « e » muet n’existant pas plus en japonais qu’en italien ou en espagnol. Nul ou presque, en France, ne semble le savoir. Une seule fois, j’ai entendu prononcer correctement ce mot que le terrorisme a remis à la mode : sur France Inter, par Frédéric Charles, correspondant de Radio France au Japon.
- Miguel : pourquoi ce « mi-gouelle » insistant et torturé ? Ici, le « gu » espagnol se dit exactement comme en français ! Ce prénom se prononce donc un peu comme mygale (en français, il n’y a pas de rime en « guelle »), sans le moindre son « ou ». On aggrave son cas si l’on prononce « Louisse-Migouelle Domine-gouine » !
- patio : aucune raison de prononcer « passio » ! Ce mot est espagnol, et la lettre « t » se dit telle qu’elle s’écrit, dans absolument tous les cas. La langue espagnole ignore l’assimilation sonore du tion au sion que font à tort les Français. Ce n’est donc pas sorcier que de ne pas inclure de complicación là où tout est simple !
- plaza : pas de « pladza » ! Ce mot est espagnol, et le son « z » n’existe pas dans cette langue. La lettre « z » s’y prononce un peu comme le « th » anglais dans thing. Dites « plassa », on vous comprendra mieux à Ibiza !
- Risi : le réalisateur italien Dino Risi, en dépit d’une carrière assez longue, et à qui l’on doit le célèbre Profumo di donna (en français, Parfum de femme), n’a jamais atteint une notoriété suffisante, chez nous du moins, pour que nous parvenions à prononcer correctement son nom. Pourtant, rien de plus facile, il suffit de prononcer comme en français, puisqu’en italien, le « s » entre deux voyelles se dit « z » comme chez nous. Donc « ri-zi », et pas l’absurde « ri-dzi ».
- Spielberg : la mode, venue assez tard et d’on ne sait où, consiste à prononcer à l’allemande et à dire « chpilbergue », ce qui n’est en rien justifié, puisque Steven Spielberg, né à Cincinnati, n’a rien à voir avec l’Allemagne. Il suffit de zapper sur une chaîne de télévision des États-Unis pour vérifier qu’on prononce bien « SSSSSpil-beu’gue ». Mais aucun des pseudo-critiques officiant dans Le masque et la plume de France Inter n’a jamais pu franchir le pas.
- burnous : apprenez un peu d’arabe, vous comprendrez enfin que ce terme se termine par un « b » qui se prononce. Donc, pas de « burnou » !
- toubib : comme relevé à propos de « burnous », il n’existe pas de lettre muette en arabe. On ne dit surtout pas « toubi » pour désigner un médecin, mais « tou-bibe ».
- yacht : lorsque vous exprimez votre étonnement d’entendre prononcer « iott », on vous répond en général que c’est parce que ce mot est anglais. Or, d’une part, dans aucun mot anglais, la séquence « ach » ne se prononce « o », encore moins avec le « au » de tuyau comme le croient les Français ; et d’autre part, yacht est un mot néerlandais, c’est-à-dire imprononçable ! Pas anglais. En fait, le « a » de ce mot s’énonce à peu près comme chez nous, quoique plus sonore, et le « ch », très guttural, est voisin du son produit dans l’allemand nacht, ou dans l’arabe Ahmed. Les personnes dépourvues d’un gosier en acier chromé se résignent à dire « iâkt », ce qui est un bon compromis.