Plaintes présidentielles

Publié le par Yves-André Samère

Porter plainte quand on est président de la République ? Ce n’est pas une rareté, sous la Cinquième !

Le champion toutes catégories, ce fut De Gaulle. La constitution de la République avait été écrite pour lui (par Michel Debré). En conséquence, il s’estimait chef d’État de droit divin, et les plaintes pour « offense au chef de l’État » pleuvaient comme à Gravelotte : des centaines chaque année ! Dans son livre Le coup d’État permanent, Mitterrand rapportait cette histoire d’un quidam qui avait été traîné en correctionnelle pour avoir crié « Hou hou ! » au passage de De Gaulle. Qu’aurait fait le Général si on l’avait traité d’enculé, comme c’est arrivé à Sarkozy ? Pour le coup, c’était les galères...

Son successeur, Pompidou, fut un peu moins vindicatif. Un peu. Mais il porta plainte parce qu’une publicité l’avait montré conduisant un hors-bord (la marque du hors-bord en avait profité) ; et le dessinateur Cabu fut traduit en justice pour un album de dessins, Les aventures de madame Pompidou... qui ne cassait pas des briques (l’album, pas madame Pompidou). À cette occasion, on inventa un délit inconnu du Code, l’« offense à épouse de chef d’État ». Déjà, le ridicule avait cessé de tuer.

En arrivant au pouvoir, Giscard fit une promesse, celle de ne jamais poursuivre qui que ce soit. Il a failli la tenir... mais a fait jeter en prison le journaliste-écrivain Roger Delpey, ami de Bokassa, qui avait écrit un livre le ridiculisant, et semblant démontrer que le président français avait fait pression sur la commission d’enquête (uniquement composée d’Africains) afin que Bokassa fût reconnu coupable de « massacre d’enfants », crime qui probablement n’a jamais eu lieu ! Delpey, soupçonné d’intelligence avec une puissance étrangère sous le prétexte qu’on l’avait vu sortant de l’ambassade de Libye, resta en prison sept mois, avant d’être totalement innocenté, et de publier un livre, Prisonnier de Giscard.

Mitterrand, qui ne manquait pas de défauts par ailleurs, n’a poursuivi personne.

Chirac non plus. Pas même contre les Guignols, qui l’ont pourtant traité de « Super-Menteur » chaque soir durant des mois.

Vingt-six ans sans plainte présidentielle, on pouvait donc croire que ces vilaines manières, qui s’apparentaient un peu trop au droit du plus fort, avaient cessé. Mais non, Sarkozy, qui a très vite descendu tous les degrés conduisant aux honneurs, a porté plainte deux fois en très peu de temps. La première fois, parce que la compagnie aérienne Ryanair a utilisé une photo de lui sans son autorisation, et la seconde fois, parce que « Le Nouvel Observateur » a publié un SMS qu’il aurait envoyé à son ex-femme Cécilia (le célèbre « Si tu reviens, j’annule tout »). On atteint des sommets, c’est de plus en plus évident.

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