Le vrai Cyrano

Publié le par Yves-André Samère

Un de mes amis croyait dur comme fer que « Cyrano » était le prénom d’un certain bretteur gascon, amoureux de sa cousine Roxane et affublé d’un long nez. L’ennui est qu’il n’y a là-dedans rien de vrai, tout a été inventé par Edmond Rostand.

D’abord, Cyrano n’a sans doute jamais été amoureux d’une quelconque cousine, car il était homosexuel. Ensuite, il n’a aucun lien avec la Gascogne, puisqu’il est né en plein cœur de Paris. Selon les hypothèses, soit dans ce qui est aujourd’hui le premier arrondissement, rue des Prouvaires (une toute petite rue de soixante mètres de long, perpendiculaire à la façade de l’église Saint-Eustache, à deux pas du lieu de naissance de Molière, qu’il connaissait très bien) ; soit dans le deuxième arrondissement, rue Dussoubs – la rue où est mort Goldoni, au siècle suivant. Et lui-même est devenu, comme Goldoni plus tard, écrivain et auteur de pièces de théâtre.

Cyrano était son patronyme, autrement dit son nom de famille. Ses prénoms étaient en fait Hercule Savinien. Bergerac était le nom de terre de la famille, et se référait à la propriété acquise par sa famille, à Saint-Forget, dans la vallée de Chevreuse, au sud de Paris, et pas du tout au Bergerac situé en Dordogne ; propriété que d’ailleurs elle a revendue ultérieurement.

Qu’est-ce qu’un nom de terre ? Cela désignait la propriété dont le roi faisait éventuellement cadeau à un de ses partisans qu’il entendait récompenser, en même temps qu’il lui donnait un titre de noblesse : baron, comte, marquis, etc. Le noble devenait ainsi le suzerain de sa terre. Éventuellement, car ce cadeau d’une terre n’avait pas forcément lieu. Et dans ce cas, la particule « de » n’avait aucune raison d’être. Ce qui fut en effet le cas, puisque Cyrano signait « Hercule Savinien Cyrano Bergerac ».

Ce don d’une terre n’est plus du tout en usage aujourd’hui, même lorsqu’un souverain anoblit quelqu’un. Ainsi, à l’étranger, Annie Cordy et Margaret Thatcher ont été anoblies par leurs souverains respectifs – elles sont baronnes –, mais n’ont reçu aucune terre, car les rois n’ont plus la possibilité de distribuer des propriétés foncières à leurs amis.

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