Spéculation ?
Un parlementaire a proposé qu’on accorde une réduction d’impôt aux investisseurs qui ont beaucoup perdu en bourse durant les derniers mois, et, inévitablement, ça a été un tollé : scandale, cadeau aux spéculateurs, etc.
Comme toujours, la majorité des gens qui n’y connaissent rien croient encore à cette ânerie qu’avait lancée Mitterrand : que la Bourse est une sorte de casino où l’on s’enrichit « en dormant ». Or on aimerait bien voir ce que deviendrait l’économie si la Bourse n’existait plus !
L’économie, ça consiste en partie à vendre et acheter. Sinon, c’est le chômage généralisé. Vendre et acheter, on peut le faire n’importe où, mais ce ne serait pas très pratique. C’est pourquoi il est commode pour tout le monde de faire cela dans des endroits réservés à ces échanges, et de placer ces endroits là où les rencontres et les communications sont faciles : au centre des très grandes villes (essayez d’imaginer un instant que le marché du café ou du cacao, par exemple, se trouve à Sainte-Foy-la-Grande ou à Verkhoïansk). Bien entendu, les denrées vendues n’ont pas besoin d’être présentes, ce sont les acheteurs et les vendeurs qui sont en présence, pas les marchandises, qui sont par nature et presque toujours intransportables.
Autre aspect, les entreprises ont besoin d’argent pour investir, pour se développer... et pour payer leurs employés. Cet argent est apporté par ceux qui en possèdent : les investisseurs, ceux qui achètent des actions en Bourse. Et il est naturel, lorsque vous apportez votre argent à une entreprise, d’espérer en retirer un bénéfice. Comme disait le prêtre Léon Morin à sa pénitente dans le roman de Béatrix Beck (qui vient de mourir), « lorsqu’un paysan sème, il espère que ça va pousser », non ? Or c’est cet espoir de bénéfice en échange du risque que les gogos appellent « spéculation ». Comme si l’on gagnait à tous les coups.
Qui ne risque rien n’a rien. Qui risque quelque chose doit être rétribué si l’argent risqué a permis à la collectivité de gagner quelque chose. Rien d’immoral là-dedans.